La « dette écologique » est l’un des nouveaux leitmotivs du gouvernement. Elle est promue par un premier ministre courtois, ancien ministre de l’environnement, qui succède à un Gabriel Attal qui ne faisait même pas semblant de mépriser le sujet. On peut donc s’interroger : serait-ce le signe d’ambitions enfin sérieuses en matière environnementale ? Malheureusement non. Le concept de « dette écologique » ne tient pas la route : il est obsolète, inapproprié, bancal. Pis : il s’accompagne à ce stade de reculs graves en matière de lutte contre les crises écologiques qui nous percutent.

Evitons d’abord un malentendu. La « dette écologique » de Michel Barnier n’est pas celle qui fait l’objet de débats passionnés et de négociations difficiles à l’échelle mondiale : celle que nous avons accumulée à l’égard des pays du Sud du fait de notre prédation massive – passée et présente – de leurs ressources naturelles et celle qui résulte du dérèglement climatique dont les populations de ces mêmes pays sont les plus violemment touchées et pourtant les moins responsables. D’ailleurs, Michel Barnier n’envisage pas un instant de renforcer notre solidarité climatique : il s’apprête au contraire à tailler massivement dans l’aide publique au développement.

Pour le premier ministre, il s’agit de la dette que nous laissons à nos enfants en dépassant désormais presque toutes les limites planétaires avec tout ce que nous y prélevons et détruisons. De fait, le jour du dépassement, qui marque le moment où l’humanité a consommé l’ensemble des ressources naturelles (forêts, poissons, terres cultivables…) que la Terre peut renouveler en une année recule tous les ans : en 2023, il est arrivé dès le 5 mai pour la France.

Dans son discours de politique générale, Michel Barnier met en parallèle deux dettes : la première, la dette financière de l’Etat, et la seconde, cette dette écologique à l’égard de nos enfants. Mettre sur le même plan ces deux réalités est d’abord aberrant au regard des risques associés à l’une et à l’autre : sans sous-estimer l’enjeu de notre dette publique, la « dette écologique » renvoie à l’habitabilité – de plus en plus menacée – de la planète et aux conditions de vie – de plus en plus dégradées – de l’humanité et de l’ensemble du vivant. Rien de moins !

Il est tout aussi bancal d’appliquer une logique de créancier/débiteur vis-à-vis de la nature. Le dérèglement climatique, l’extinction des espèces et la contamination des organismes vivants sont souvent irréversibles à notre échelle de temps. Ils ne sont pas « remboursables ». On cherche ici à masquer la réalité par une comptabilité de tableur Excel, désincarnée, dévitalisée, déshumanisée.

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