Après le souvenir des attentats terroristes de 2015, l’heure est aussi au bilan de la réponse apportée à cette violence. Le président François Hollande avait, cette année-là, promulgué la « loi renseignement ». Destinée à montrer à l’opinion publique que le gouvernement ne restait pas inactif, elle ne faisait que légaliser des techniques de renseignement qui, à deux exceptions près – le suivi en temps réel sur les réseaux de téléphonie et Internet et le recours à « l’algorithme » – étaient déjà utilisées, mais illégalement. Ce texte protégeait ainsi des agents secrets qui risquaient de se retrouver devant un juge. Ce cadre légal a, depuis, été modifié une dizaine de fois et s’élargit au gré des progrès technologiques offrant de nouveaux outils aux services secrets.
Cette loi fut présentée comme un tournant historique en matière de contrôle démocratique de la surveillance de l’Etat. A l’usage, elle montre, pourtant, des signes d’essoufflement, ce qui, étant donné les évolutions techniques, constitue une forme de régression. Ce qui frappe, c’est moins le risque d’une mise en danger des libertés que la volonté de l’exécutif et des parlementaires de réduire le poids des contre-pouvoirs. Une politique pourtant contraire à la jurisprudence européenne et à la responsabilisation des citoyens, permettant, en outre, des dérives en cas de glissement du régime vers l’autoritarisme.
C’est un paradoxe. On a rarement autant parlé d’espionnage dans la société française. Les séries télévisées ont le vent en poupe. Les patrons des services secrets français font désormais partie de l’espace médiatique. Et l’espionnage, dans l’esprit de beaucoup, a pris le pas sur la justice pour prévenir les menaces. Pourtant, la France rechigne toujours à faire vivre un débat public sur le renseignement. Dernier grand pays à s’être doté d’une loi encadrant l’activité de ses services, il demeure un cancre en matière de réflexion collective sur une politique publique financée par l’impôt et mise en œuvre par des fonctionnaires.
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