Au moins 14 morts et près de 250 blessés : le cyclone tropical « exceptionnel » Chido a semé le chaos samedi 14 décembre à Mayotte, département le plus pauvre de France, dans l’océan Indien, selon un bilan encore très provisoire, communiqué dimanche matin à l’Agence France-Presse (AFP) par une source des services de sécurité.
Selon le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila, interrogé par l’AFP, 9 personnes blessées ont été prises en charge au Centre hospitalier de Mayotte (CHM) en urgence absolue, et 246 en urgence relative. « L’hôpital est touché, les écoles sont touchées. Des maisons sont dévastées. Le phénomène n’a rien épargné sur son passage », a-t-il décrit.
« Je pense qu’il y aura certainement plusieurs centaines, peut-être approcheront nous le millier, voire quelques milliers » de morts, a déclaré le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, sur la chaîne publique Mayotte la 1ère. Il sera « très difficile d’avoir un bilan final » étant donné que la tradition musulmane, très ancrée dans les quartiers d’habitat précaire entièrement détruits, veut que les personnes soient enterrées « dans les 24 heures ».
L’alerte rouge pour le cyclone a été levée dimanche à 18 heures à Mayotte (16 heures, heure de Paris), a annoncé la préfecture, qui affirme que le cyclone « ne présente plus une menace pour [le] territoire », tout en appelant à « rester vigilant face à un risque de vagues-submersion ». La préfecture a enclenché une « phase de sauvegarde cylconique ». « La priorité est à la circulation et à la prise en charge des besoins de la population », a-t-elle fait savoir dans un communiqué, appelant à « réserver les axes de circulation aux forces de l’ordre, de secours et aux opérateurs d’intérêts vitaux ».
Tête de proue d’un pont aérien et maritime organisé depuis l’île de La Réunion, à 1 400 kilomètres à vol d’oiseau, le premier avion de la sécurité civile a atterri dimanche à Mayotte à 15 h 30 locales (13 h 30, heure de Paris), transportant du matériel de secours et des personnels médicaux.
Avec des rafales observées à plus de 220 km/h, le cyclone Chido est le plus intense à frapper le territoire ultra-marin depuis plus de quatre-vingt-dix ans, selon Météo-France. Des vents d’une extrême violence ont ravagé l’archipel avec : cases anéanties, toits envolés, poteaux électriques à terre, arbres déracinés… L’habitat précaire, qui concerne au moins un tiers de la population de l’archipel (320 000 habitants), est « complètement détruit », selon le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau.
Des jours pour « affiner » le bilan humain
Les remontées d’informations sont pour l’heure très parcellaires avec une population confinée chez elle, en état de sidération, privée d’eau et d’électricité, et vivant en partie dans des bidonvilles, a fait valoir à l’AFP une source proche du dossier. Dans un contexte où les communications sont très difficiles, le bilan humain est difficile à effectuer.
M. Retailleau a estimé samedi soir à la sortie d’une réunion interministérielle de crise qu’il « faudra sans doute des jours » pour « affiner » le bilan humain. Mais « nous craignons qu’il soit lourd », a-t-il prévenu, parlant d’une « situation dramatique ».
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M. Retailleau a mis en avant la « mobilisation exceptionnelle » des services de l’Etat à Mayotte. Cet habitat concerne au moins un tiers de la population. Le ministre démissionnaire, qui va se rendre à Mayotte où il arrivera lundi, a annoncé l’envoi en « cinq vagues successives jusqu’à mercredi de renforts pour la sécurité civile », soit environ « 800 personnes ainsi que du matériel (…) mais aussi du personnel médical ».
Le pape François, en visite en Corse dimanche, a déclaré à l’issue de la prière de l’angélus en la cathédrale d’Ajaccio : « Prions pour les victimes du cyclone, qui ces dernières heures a frappé l’archipel de Mayotte. Je soutiens par l’esprit ceux qui ont été touchés par cette tragédie », .
Quinze mille foyers ont été privés d’électricité
Le préfet, qui recense officiellement 11 morts passés par l’hôpital ou des bâtiments publics, a fait appel à des associations pour compléter les remontées d’informations. Pour coordonner l’action des secours, le préfet de La Réunion, en charge de la zone de défense et de sécurité du sud de l’océan Indien, a tenu dimanche matin une réunion de gestion de crise.
A partir du début de la semaine, 162 militaires de la sécurité civile et sapeurs-pompiers de l’Hexagone vont venir renforcer les 110 pré-positionnés dans l’archipel depuis vendredi. Des rotations aériennes et maritimes sont opérationnelles dès dimanche pour acheminer des personnels médicaux et du matériel. « Le recensement des besoins des services de secours et des populations se poursuit afin d’organiser les rotations, aussi longtemps que nécessaire », indique la préfecture de zone de défense dans un communiqué.
La situation laisse présager de sévères difficultés d’approvisionnement en eau dans un archipel déjà soumis à des coupures. Plus de 15 000 foyers ont été privés d’électricité, d’après la ministre de la transition écologique démissionnaire Agnès Pannier-Runacher. Les appels téléphoniques, y compris d’urgence, ont été drastiquement limités.
« Beaucoup d’entre nous avons tout perdu »
Le Secours populaire a lancé un appel aux dons pour venir en aide à Mayotte, où plus de trois quarts des quelque 320 000 habitants vivent sous le seuil de pauvreté national. « Beaucoup d’entre nous avons tout perdu », a déploré le préfet du 101e département français, François-Xavier Bieuville, faisant état du « cyclone le plus violent et destructeur que nous ayons connu depuis 1934 ».
Le niveau d’alerte a été abaissé de violet à rouge dans la journée pour laisser sortir les secours, mais le préfet a appelé les habitants de Mayotte à rester « confinés » et « solidaires » dans « cette épreuve ». Les communications avec le territoire restent très difficiles.
L’œil du cyclone tropical intense s’est éloigné vers l’ouest et les conditions météorologiques se sont « améliorées rapidement » en fin d’après-midi sur l’archipel, selon les services météorologiques. Chido devait rester néanmoins un cyclone « extrêmement dangereux » durant de longues heures.
Le pire évité aux Comores
Alors que le cyclone Chido s’éloignait des côtes de Mayotte sur sa trajectoire vers le Mozambique, les dégâts enregistrés aux Comores s’avèrent mineurs, sauf pour l’agriculture. Les Comores, qui avaient déclenché une alerte rouge, sont désormais placées en vigilance post-cyclone.
« J’adresse ma sympathie particulière à nos frères de Mayotte. On a suivi ce qui s’est passé là-bas, et c’est très dur. Je saisis cette occasion pour dire à nos frères Mahorais toute notre sympathie, et notre solidarité », a déclaré dimanche le président comorien, Azali Assoumani. Aux Comores, « il n’y a que des dégâts matériels (…) Il faut qu’on tire les leçons de ce qui s’est passé. Nous sommes dans une région cyclonique », a ajouté le président Assoumani, soulignant la nécessité de s’« adapter aux conséquences du changement climatique ».
« Le scénario du pire a été évité. Une fois que le cyclone a atteint Mayotte, il a accéléré son mouvement vers l’ouest, donc vers le Mozambique », a expliqué dimanche Saifou-Dine Aliani, chef du service de météorologie. La vitesse des vents attendue était de 150 km/h mais ce n’est pas ce qui s’est passé. « Le maximum de la vitesse était de 70 km/heure à Anjouan et Mohéli », a ajouté ce responsable.
« A Anjouan, nous avons une dizaine de familles déplacées, quelques blessés, des glissements de terrain et quelques éboulements mais qui n’ont pas fait de victimes », a déclaré pour sa part Yasser Sidi, responsable à la Direction générale de la société civile. L’unique aéroport international des Comores va reprendre ses activités dimanche en début de soirée.
A Mohéli, des routes demeurent entravées par les arbres qui n’ont pas résisté aux assauts du vent. « Des équipes sont en train de les débloquer », a précisé la Direction générale de la société civile. En revanche, l’agriculture est très impactée. « Toutes les bananeraies d’Anjouan et Mohéli ont été mises à terre, faisant craindre le pire pour la suite », a ajouté cette source.
Chido frappe le Mozambique
Le cyclone a frappé le Mozambique dimanche matin avec des vents violents et de fortes pluies. Le cyclone semble s’être intensifié lorsqu’il a traversé le canal du Mozambique pendant la nuit pour toucher terre à environ 40 kilomètres au sud de la ville de Pemba, dans le nord du Mozambique, ont déclaré les services météorologiques.
« Le cyclone frappe déjà Pemba avec une très forte intensité. Nous surveillons la situation mais il n’y a aucune communication avec Pemba depuis 7 heures du matin », a précisé à l’AFP le directeur de l’Institut national de météorologie, Aderito Aramuge.
L’Unicef a affirmé de son côté être sur le terrain pour venir en aide aux personnes touchées par la tempête, qui a déjà provoqué beaucoup de dégâts. « De nombreuses maisons, écoles et établissements de santé ont été partiellement ou totalement détruits et nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour assurer la continuité des services de base essentiels », écrit cette agence de l’ONU dans un communiqué.
La tempête devrait provoquer des orages et des vents violents avec des rafales allant jusqu’à 260 km/h dans les provinces de Cabo Delgado et de Nampula, ont fait savoir les services météorologiques du Mozambique. Plus de 250 millimètres de précipitations sont attendus en vingt-quatre heures. Des images vidéo de Pemba montrent de fortes pluies et des arbres courbés par le vent. Des maisons ont été endommagées par la tempête.