« Le Cours de monsieur Paty », de Mickaëlle Paty, avec Emilie Frèche, Albin Michel, 208 p., 17,90 €, numérique 12 € (en librairie le 16 octobre).

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La peur. Ce seront les assises de la peur. Lorsque, au mois de novembre, s’ouvrira le procès de l’assassinat de Samuel Paty, les ­juges devront non seulement déterminer les responsabilités des uns et des autres, mais aussi et peut-être surtout explorer l’écheveau de craintes et de lâchetés qui auront ­permis au djihadiste Abdoullakh Anzorov, 18 ans, d’exécuter un enseignant à la sortie de son établissement, le 16 octobre 2020. Telle est la pensée qui harponne l’esprit au moment de refermer Le Cours de monsieur Paty, récit que sa sœur, Mickaëlle Paty, publie le 16 octobre, quatre ans jour pour jour après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), dont « Le Monde des livres » publie de larges extraits. Ce texte, qui retrace les onze jours séparant le cours de Samuel Paty sur la liberté d’expression du ­moment où il a été décapité par un terroriste islamiste, décrit une ­société rongée par la peur.

La peur qui surgit ici est d’abord celle de Paty lui-même. Dans des passages poignants, sa sœur relève que le professeur d’histoire-géographie, victime d’une gigantesque campagne de calomnie, prenait, lui, la menace au sérieux. Faute d’escorte policière, il s’en remettait à ses collègues pour l’accompagner jusqu’aux abords de son domicile, encapuchonné d’un sweat-shirt. En guise d’arme, il gardait dans son sac à dos le ­dérisoire petit marteau que son père lui avait offert, quand il avait quitté le foyer familial pour faire ses études à Lyon.

Une épaisse solitude

Mais Samuel Paty avait surtout peur de la peur des autres. Il était de ces êtres qui craignent la lâcheté par-dessus tout. Durant ces journées qui l’ont mené à la mort, il aura eu plus d’une occasion de la voir autour de lui, enve­loppant maintes consciences, gorgeant tant de silences. Le Cours de monsieur Paty détaille ces dérobades qui auront plongé l’enseignant dans une solitude dont on commence à peine à ­mesurer l’épaisseur.

Dès le début de la chasse à l’homme dont il a été la proie, va jusqu’à affirmer Mickaëlle Paty, les personnes et les institutions qui auraient dû le défendre ont surtout été préoccupées par une volonté d’éviter le scandale – dans le langage administratif, on préfère évoquer le « risque d’un retentissement médiatique pouvant complexifier la situation ». D’où cette aberration : très vite, le prétexte de la cabale s’est révélé un pur mensonge (l’élève qui disait avoir été contrainte de regarder une caricature de Mahomet publiée dans Charlie Hebdo n’avait pas assisté au cours) ; or cette donnée essentielle a été trop souvent escamotée. A lire Mickaëlle Paty, tout se serait passé comme si le plus important, aux yeux du rectorat, mais aussi du « référent laïcité », était de ne pas « froisser » les accusateurs. De marteler que la situation était en voie d’apaisement : « On fait le pari que, si personne n’en parle plus, les choses finiront par se tasser », résume-t-elle.

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