Le rapport Draghi, qui devrait être débattu lors du Conseil européen des jeudi 17 et vendredi 18 octobre, contient un message important : l’Europe fait face à une crise existentielle. Au cours des vingt dernières années, non seulement l’écart de revenu par tête n’a cessé de se creuser par rapport aux Etats-Unis, mais l’Union européenne (UE) n’est absolument pas prête à affronter l’avenir. Dans le nouveau contexte géopolitique, l’Europe se trouve particulièrement vulnérable du fait que son économie est la plus ouverte parmi celles des grandes puissances, qu’elle est la plus dépendante aux importations d’énergie et de matières premières essentielles, et qu’elle réalise la plus faible performance en matière d’innovation et de commercialisation. L’accès à une énergie peu coûteuse est fondamental pour le leadership économique ; or l’Europe enregistre des coûts énergétiques plus élevés que ceux de tous ses concurrents mondiaux. Les Européens se consolent en invoquant la supériorité de leur modèle social et leur meilleure qualité de vie, mais si la productivité et la démographie maintiennent leur trajectoire actuelle, ils n’auront bientôt plus les moyens de conserver ces avantages.

L’approche sectorielle et extrêmement détaillée du rapport nous fait toucher du doigt la raison pour laquelle le modèle européen n’est pas compétitif. La compétitivité n’est pas une question d’excédent commercial, mais de productivité. Or la présence de l’UE dans l’industrie technologique est marginale. Aucune entreprise européenne ne figure parmi les dix plus grandes entreprises mondiales par capitalisation. Dans des industries où elle était autrefois en pointe, comme l’automobile, l’UE a perdu son leadership dans la transition vers l’électrique. Ce n’est pourtant pas par manque d’idées que l’Europe se retrouve à la traîne. Mais quand des idées naissent en Europe, elles ne se traduisent généralement pas par des succès commerciaux, parce qu’elles échouent à atteindre la taille nécessaire.

Dans les années 1990, le récit sur la faiblesse de la productivité se concentrait sur la rigidité des marchés du travail, mais les réformes adoptées n’ont pas résolu le problème. Le rapport Draghi adopte une autre approche en mettant l’accent sur la faiblesse de l’investissement public et privé. Sur le volet privé, les facteurs-clés sont la fragmentation du marché – qui limite l’échelle – et le mauvais équilibre entre réglementation et soutien à l’innovation. Concernant l’investissement public, les facteurs essentiels sont le manque d’attention portée aux grandes priorités, l’absence d’outils de politique industrielle pour des objectifs européens communs et, surtout, l’incapacité à lever des financements au niveau européen.

Il vous reste 59.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
Exit mobile version