La poutre bouge, mais François Bayrou n’est pas encore parvenu à ses fins. Au terme de la déclaration de politique générale qu’il a prononcée, mardi 14 janvier, dans l’Hémicycle houleux de l’Assemblée nationale, le premier ministre n’a pas obtenu l’assurance que les socialistes ne voteraient pas la censure au côté du reste de la gauche, jeudi. Depuis une semaine, les tractations allaient pourtant bon train entre le Parti socialiste, les Verts, les communistes et le chef du gouvernement centriste qui prétend depuis 2007 qu’il est souhaitable et possible de faire travailler ensemble « les démocrates-chrétiens les sociaux-démocrates et les libéraux de progrès ». Le compte n’y est pas encore.

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Sur la forme, l’exercice très contraint de la déclaration de politique générale a pris une dimension inédite et parfois loufoque en ce long après-midi où François Bayrou a parlé près d’une heure et demie, puis a tenu à adresser une réponse nourrie à chaque intervenant pour mieux préciser ce en quoi il croit : le « ressaisissement » et la « réconciliation ». Mais il l’a fait en se perdant souvent dans ses fiches, en confondant les millions avec les milliards, en désarçonnant ses interlocuteurs qui attendaient de lui une réponse précise. Le personnage est apparu tel qu’en lui-même, à la fois fort et fragile, déterminé et imprécis, authentique du début à la fin.

Remettre dans le jeu la société civile

Sur le fond, il a été implacable avec la dette léguée par pratiquement tous les gouvernements depuis 1981, intraitable avec le déficit des régimes de retraite, qui, dit-il, se paie chaque année d’un endettement croissant au détriment des générations futures. A ses yeux, la dette est un problème « moral » qui doit être vigoureusement traité. Mais il a en même temps donné son feu vert à un « conclave » de renégociation de trois mois de la réforme des retraites « sans aucun tabou » pourvu que l’équilibre financier soit respecté, laissant la main aux partenaires sociaux pour tenter d’accoucher d’un texte « socialement plus juste ».

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Le Parti socialiste, qui exigeait un gel de la retraite à 64 ans avant toute renégociation, est resté sur sa faim. Il n’a pas trouvé dans les autres annonces du premier ministre − la mise en chantier de la proportionnelle, l’atténuation de la réduction du nombre de suppressions d’emplois à l’éducation nationale, la réévaluation de la hausse des dépenses de santé, l’engagement d’une taxation des plus hauts patrimoines − de signes suffisants pour sceller à ce stade un pacte de non-censure.

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A court terme, François Bayrou ne risque pas d’être renversé, car le RN n’a pas l’intention de joindre ses voix à celles de la gauche. Mais tant que le centriste n’aura pas scellé un accord en bonne et due forme avec la gauche modérée, il restera dans la position très inconfortable de son prédécesseur. Beaucoup dépend donc de sa capacité à rompre avec la verticalité du macronisme, à faire vivre la diversité, à remettre dans le jeu la société civile comme il en a martelé l’intention.

Tout ne dépend pas que de lui. Chez les socialistes, la volonté de rompre avec la radicalité de LFI progresse, car la situation de blocage politique devient chaque mois plus préoccupante. Elle affaiblit le pays économiquement et diplomatiquement, dans un contexte mondial de plus en plus menaçant. Une fenêtre s’est ouverte pour qu’un minimum de mouvement reprenne. Les gestes nécessaires doivent être trouvés pour qu’elle ne se referme pas.

Le Monde

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