Les rues de Crémone crissent, grincent, vibrent, dans des odeurs de crin et de vernis. Les 175 luthiers que compte la capitale du violon, dans le nord de l’Italie, sont incollables sur les Stradivarius. Ils sont moins diserts, en revanche, sur un compositeur ayant offert à leurs instruments des partitions virtuoses : le Chevalier de Saint-George, né à la Guadeloupe en 1739 ou 1745, mort à Paris en 1799. « Ah oui, le “Mozart noir” », marmonne un luthier, sans développer.

Voilà l’étiquette qui a longtemps défini cette figure éclectique et éclatante des Lumières, musicien, escrimeur et militaire, fils d’un planteur blanc et d’une esclave noire. Durant son séjour à Paris, en 1778, Mozart n’a-t-il pas plagié l’un de ses concertos, sur le ballet Les Petits Riens ? Depuis peu, cependant, cette encombrante analogie commence à s’estomper. « Les grands violonistes actuels, comme Anne-Sophie Mutter ou Francesca Dego, jouent la musique du Chevalier, qui vaut enfin pour elle-même », se félicite Luca Quinti, auteur d’une biographie (Diastema, 2019, non traduit). Pour autant, l’Italien n’a pas renoncé à intituler son ouvrage Il Mozart nero : « le Mozart noir »…

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