Le budget de la Sécurité sociale pour 2025 a été approuvé au Sénat, par une nette majorité (202 voix contre 109), mardi 26 novembre. Sans surprise, les soutiens du camp gouvernemental, largement majoritaires dans l’hémicycle, ont approuvé le texte avec les voix de la droite et des centristes.
En revanche, le petit groupe macroniste, qui compte une vingtaine de sénateurs, s’est majoritairement abstenu, adressant ainsi un signal d’alerte en direction du gouvernement, à la veille d’une réunion cruciale, mercredi à 14 heures, entre députés et sénateurs, chargés d’aboutir à une version de compromis lors d’une commission mixte paritaire (CMP).
« Notre groupe ne peut se satisfaire des mesures d’économies sur le travail retenues par le gouvernement », a lancé le sénateur du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Une divergence majeure persiste en effet sur une mesure phare, la réduction des allégements de cotisations patronales. Le gouvernement proposait un effort de 4 milliards d’euros sur les entreprises, le Sénat l’a réduit à 3 milliards… mais les parlementaires de Renaissance continuent de demander la suppression totale de la mesure.
Les négociations pourraient donc s’étirer jusqu’à la CMP, où les troupes de la coalition seront majoritaires. La menace viendrait des députés Ensemble pour la République (EPR) : pourraient-ils bloquer tout accord ?
« Si la CMP échoue à cause d’EPR, c’est un risque politique »
Mardi matin en réunion de groupe, ils n’ont pas tranché. « Le groupe souhaite poursuivre les échanges », y compris avec le gouvernement et les sénateurs, a fait savoir un participant à l’Agence France-Presse (AFP). « On continue de faire monter la pression », assume un autre à l’AFP. Les députés d’EPR ont prévu de se retrouver à nouveau mardi soir ou mercredi dans la matinée.
Si la CMP échouait, ce ne serait « pas la fin du monde. Mais, si elle échoue à cause d’EPR, c’est un risque politique », a fait savoir lors de la réunion le ministre du budget, Laurent Saint-Martin selon son entourage. « Plus largement, c’est l’existence du “socle commun” qui est en jeu », a-t-il ajouté.
Selon plusieurs participants à la réunion joints par l’AFP, l’ancienne première ministre Elisabeth Borne a vivement désapprouvé sur le fond le budget de l’Etat et celui de la Sécurité sociale ainsi que la méthode du gouvernement, tout en étant, selon son entourage, opposée à faire échouer la CMP.
« Si nous arrivons tous avec nos lignes rouges infranchissables, il n’y aura jamais d’accord. A ce moment-là, il ne fallait pas monter dans la même barque », a alerté Marc Fesneau, président des députés du MoDem. Michel Barnier « a dit qu’il était prêt à faire un effort supplémentaire, mais il ne l’a pas quantifié », a rapporté un autre cadre du camp gouvernemental sous couvert d’anonymat.
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Pour Laurent Saint-Martin, un « bon consensus » pourrait se dégager en CMP par la réduction « d’un peu plus de la moitié » de l’effort demandé aux entreprises, soit 1,5 milliard contre 4 initialement.
Une réduction de 1 milliard d’euros de déficit, selon le gouvernement
Dans les rangs de la coalition, beaucoup ont alerté sur l’importance d’un accord en CMP, alors que la menace de censure se fait toujours plus pressante, le Rassemblement national étant prêt à la voter s’il n’est pas entendu. Si l’utilisation du 49.3 paraît inévitable, l’activer sur un texte de consensus peut paraître moins cavalier qu’un passage en force sans accord préalable entre les deux chambres.
La copie du Sénat, en tout cas, reste assez fidèle au projet initial, assumant des milliards d’économies alors que les finances sociales sont en berne. Selon le gouvernement, l’examen du texte au Sénat a permis de réduire de 1 milliard supplémentaire le déficit prévisionnel de la Sécu, estimé à 15 milliards, contre 16 milliards selon l’objectif initial et 18,5 milliards en 2024.
Retraités, assurés, entreprises, patients, professionnels de santé… Tout le monde est mis à contribution dans le texte truffé de mesures jugées sensibles jusque dans la nouvelle coalition, et dénoncées par la gauche. « Le gouvernement a cédé aux batailles politiques internes à son bancal socle commun », s’est indignée la sénatrice socialiste Annie Le Houérou.
Il prévoit une augmentation des retraites de la moitié de l’inflation au 1er janvier, puis d’une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le smic. Diverses taxes sur les sodas, le tabac et les jeux d’argent ont également été votées par le Sénat, ainsi qu’une contribution de sept heures de « solidarité » par an travaillées sans rémunération par tous les salariés pour financer la dépendance, une mesure très critiquée à gauche, mais qui pourrait disparaître de la copie finale.