Traumatisée par deux conflits définis par le paroxysme de la violence et de l’horreur, l’Europe s’est construite sur le postulat d’un « plus jamais ça » que devait garantir le respect du droit international incarné par la Charte des Nations unies, un traité ratifié par tous les Etats de la planète. La trajectoire suivie depuis la déclaration Schuman de 1950 peut être cristallisée en un mot, « stabilité », laquelle est garantie par la protection des Etats-Unis, dans un ensemble « occidental » fédéré sous la bannière du « monde libre ».
Les espoirs, nés de la fin de la guerre froide, de voir cette stabilité se consolider, avec l’apparence d’un triomphe de l’éthique démocratique, se sont évanouis, sans cesse bousculés par des rappels de la dimension tragique de l’histoire, qu’il s’agisse des attentats du 11-Septembre, de la deuxième guerre d’Irak [2003] ou des agissements de la Russie au sein de son « étranger proche » (Géorgie, Ukraine). Pour autant, l’aspiration à un retour à la stabilité l’a toujours emporté chez les dirigeants européens, qui sont « habitués au confort du statu quo (…) et pris de vitesse par l’accélération de l’histoire », comme le souligne l’historien Thomas Gomart dans L’Accélération de l’histoire (Tallandier, 2024).
S’il subsistait encore des doutes à cet égard après l’agression de l’Ukraine par la Russie, les initiatives multipliées à jet continu par Donald Trump depuis son élection devraient achever de les balayer. Les perspectives d’un retour à un quelconque statu quo relèvent du mirage. Le concept de liquidité, que le sociologue Zygmunt Bauman (1925-2017) avait forgé pour définir les sociétés postmodernes, qualifie parfaitement, aujourd’hui, les relations entre Etats, marquées à la fois par l’anomie et la vitesse, reflets de cette accélération de l’histoire.
Opérations de désinformation
Si le retour à la situation d’avant 1939 sur le continent européen, qu’avait prophétisé le politologue John Mearsheimer pour l’après-guerre froide, n’a nullement provoqué une résurgence de la guerre – sauf dans l’ex-Yougoslavie –, ce fut grâce à la capacité d’intégration des nations libérées du joug soviétique au sein des institutions existantes, l’OTAN et l’Union européenne (UE).
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