Kjetil Trædal Thorsen, confondateur de l’agence Snohetta, fait visiter le siège du « Monde », à Paris, le 21 septembre 2025.

Dans le cadre du Festival du Monde, une visite du siège du journal était organisée avec l’architecte Kjetil Trædal Thorsen de l’agence Snohetta, qui a conçu le bâtiment.

Quelle était la vision derrière la conception du siège du Monde (2015-2020) ? Comment faire transparaître les valeurs du journalisme dans le design d’un bâtiment ?

Nous avions envie de créer un vaste espace unifié pour réunir les différents médias du groupe Le Monde. Nous avons reçu le projet après l’attaque de Charlie Hebdo en 2015. Je me souviens d’un moment dans la bibliothèque de Pierre Bergé (ancien actionnaire du groupe Le Monde), où il m’a dit qu’il voulait un bâtiment ouvert alors que le discours ambiant dans les médias était plutôt tourné vers la sécurité. J’ai trouvé cela très courageux. Lorsque nous ne pouvons pas nous protéger physiquement, nous pouvons nous protéger mentalement en mettant en avant un journalisme de qualité. C’est pour cela que nous voulions construire un endroit accessible qui puisse aussi susciter la confiance auprès des lecteurs du quotidien. L’apparence du bâtiment représente pour nous la stabilité d’une institution comme le journal Le Monde l’est dans la société française. Avoir l’opportunité de répondre à ce projet était une grosse responsabilité.

Lire aussi (en 2019) | Article réservé à nos abonnés Les 75 ans du « Monde » : le nouveau siège, un bâtiment-pont le long de la gare d’Austerlitz

L’agence Snohetta s’inspire souvent de la nature, en intégrant l’architecture au paysage. Comment abordez-vous à présent les enjeux environnementaux dans votre architecture ?

Pour nous, il est important d’envisager comment les hommes évoluent dans la nature. Nous évaluons la future présence de notre projet sur le site physique qu’il va occuper et l’environnement paysager autour de lui. Lorsque nous travaillons, nous prenons bien évidemment en compte les enjeux environnementaux. Par exemple, nous mettons en avant la réduction de la consommation d’énergie. Plutôt que de recycler les matériaux, nous sommes dans une démarche de les réutiliser tels quels sur de nouveaux chantiers de construction. Nous prenons en compte l’idée de durabilité de nos bâtiments, mais pas seulement sur le plan environnemental. Nous envisageons une durabilité aussi bien sociale qu’économique. C’est ce que nous faisons actuellement avec notre projet du futur campus de l’école HEC Paris situé à Jouy-en-Josas dans les Yvelines. Pour ce nouvel espace appelé « Coeur du campus », centre névralgique et fédérateur du site étudiant, nous avons utilisé des matériaux naturels tels que le bois et la pierre.

Qu’est-ce qui vous a incité à ouvrir des bureaux en France en 2018 ?

Nous avons décidé de venir en France après y avoir réalisé plusieurs projets architecturaux. Nous avons pensé qu’il était important que l’agence Snohetta soit physiquement présente ici pour mieux comprendre et intégrer la culture française. Nous sommes une entreprise d’origine norvégienne, de culture anglo-saxonne et venir travailler dans un pays latin était un défi intéressant. Nos équipes ici sont composées à 70 % de Français et nous collaborons aussi avec des acteurs locaux, comme l’architecte François Chatillon pour la modernisation du Musée Carnavalet en 2021 et avec les architectes H2O pour la rénovation du Musée national de la marine en 2023. Dernièrement, pour le projet de la Cour nationale du droit d’asile et le tribunal administratif de Montreuil, nous cherchions comment créer un espace apaisant dans un lieu où se jouent des situations parfois très tendues. Nous avons donc imaginé un jardin au centre de ce nouveau pôle judiciaire. Nous avons appris à mélanger la sensibilité de deux mondes, anglo-saxon et latin, ce qui nous permet d’avoir une approche collaborative riche.

Une visite du « Monde » avec Kjetil Trædal Thorsen

Depuis la terrasse agrémentée de plantes aromatiques jusqu’à la salle de la conférence de rédaction, en passant par les bureaux en désordre, l’architecte norvégien Kjetil Trædal Thorsen a dévoilé aux festivaliers, dimanche 21 septembre, les secrets de la conception de cet édifice tout en courbes, pensé comme un pont.

Au cours de la visite, l’architecte norvégien désigne les poutres métalliques du bâtiment, laissées apparentes au milieu des bureaux en « open space » : « D’autres auraient sûrement essayé de la cacher. Moi je trouve que cette ossature montre que ce lieu pourra être amené à évoluer. D’ailleurs, elle peut aussi servir de bibliothèque pour les journalistes ! », raconte-t-il, en montrant les livres qui y sont entassés.

Ce chantier architectural intense a été capturé, entre 2017 et 2020, par l’artiste plasticien Frédéric Chaume. Sa série de croquis, aquarelles et gravures était exposée à l’occasion du Festival du Monde. Elle a également été publiée dans l’ouvrage Le Monde HQ Sketchbooks publié par l’agence Snohetta à l’occasion du cinquième anniversaire du siège.

Cet événement se déroule dans le cadre du Festival du Monde, qui a pour partenaires Axa, partenaire principal, l’Agence de la transition écologique, Leboncoin, Spotify, Vins de Bordeaux et le soutien de la mairie du 13e arrondissement de Paris, de la Paris Design Week et de l’Institut français de la mode. Pour y participer, suivez ce lien.

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