C’est une catastrophe naturelle comme le Canada n’en avait jamais connu et l’accident industriel le plus coûteux de l’histoire du pays. En mai 2016, un gigantesque incendie cause la fuite de 100 000 habitants, réduit 6 300 kilomètres carrés de forêt en cendres et détruit plus de 2 500 maisons et bâtiments. Ironie de l’histoire : cet incendie ravage Fort McMurray, une ville perdue de l’Alberta dont le développement, au XXe siècle, est dû à l’exploitation de précieuses mines de sables bitumineux – au pétrole, donc.
De ce sinistre, le journaliste et écrivain américain John Vaillant fait, dans L’Age du feu (Editions Noir sur blanc, 420 p., 26 €), un récit implacable, dynamique et précis dans son déroulement. Il retrace, en s’appuyant sur de nombreux témoignages, l’impuissance des autorités publiques face à un incendie d’une ampleur exceptionnelle qu’elles n’avaient jamais anticipé ; l’incrédulité, puis la panique, des habitants cherchant à sauver leurs vies ; enfin, la lutte dérisoire et désespérée des sapeurs-pompiers contre un adversaire dont la puissance n’avait jamais été aussi forte.
La prouesse de L’Age du feu est de réussir à remettre chaque point de vue en perspective. Dans un mouvement fluide de va-et-vient, le livre adopte le regard des témoins, puis des experts, sur les causes et les conséquences de ce qu’il est désormais commun d’appeler un « mégafeu », dont la réitération est amenée à se poursuivre tant que le climat continuera de se réchauffer. La toundra et les forêts boréales, telles que celles qui entourent Fort McMurray, ne sont plus épargnées : les épicéas noirs, surnommés par les pompiers « essence en bâton », attisent les flammes avec leurs sèves.
Cercle infernal
Les propagateurs importants des flammes, remarque l’auteur, sont aussi les maisons. « Aujourd’hui, il est courant de s’asseoir ou de se coucher sur des meubles presque entièrement composés de produits dérivés du pétrole. » De quoi favoriser plus rapidement le phénomène de « l’embrasement généralisé éclair » redouté par les soldats du feu. Même si le plus inquiétant, à grande échelle, est la capacité des mégafeux à créer leurs propres phénomènes météorologiques, comme les pyrocumulus et les tornades de feu – la chaleur produisant son propre vent.
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