Traditionnellement, deux conceptions de la régulation des contenus en ligne s’opposent entre la France et l’Europe. La conception européenne historique est celle de la responsabilité des créateurs de contenus par principe et celle des plateformes par exception : ce n’est que si un contenu illicite a été notifié à la plateforme et qu’elle ne l’a pas retiré « promptement » que sa responsabilité – pénale, civile ou administrative – pourra être engagée par la victime d’un contenu ou par le ministère public.

La conception française, elle, repose sur la censure administrative, c’est-à-dire une censure policière qui ne passe pas par un juge. L’office anticybercriminalité (OFAC), rattaché à la direction de la police nationale, peut, de sa propre initiative et sans recueillir d’avis contraignants, exiger d’une plateforme qu’elle censure un contenu pédopornographique, à caractère terroriste, d’offre ou de cession de produits stupéfiants, de torture ou d’actes de barbarie.

A ce pouvoir sont adjointes des sanctions dissuasives, sous la forme d’amendes ou avec la possibilité d’un blocage de l’ensemble de la plateforme récalcitrante en France. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) n’a qu’un rôle de contrôle de légalité a posteriori : elle peut saisir le juge administratif en cas de désaccord avec la police. Cependant, le contenu en litige restera censuré tant que le juge ne se sera pas prononcé.

Une mesure inefficace et contre-productive

Récemment, la France s’est aussi lancée dans la vérification de l’âge en ligne pour empêcher les mineurs d’accéder à certains contenus. La vérification de l’âge se rapproche, d’un point de vue conceptuel, de la censure administrative : il s’agit toujours de rendre inaccessibles à certaines personnes certains types de contenus.

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Déjà mise en place pour les contenus pornographiques, elle est largement dénoncée comme étant inefficace et contre-productive par les associations de défense de la santé sexuelle, comme Act Up-Paris ou Médecins du monde, notamment parce que des contenus de prévention se retrouvent dès lors inaccessibles aux mineurs. Par ailleurs, cette mesure n’aurait pas empêché le drame de l’affaire Jean Pormanove, puisque les spectateurs de la chaîne étaient principalement des hommes majeurs.

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