S’il est un art politique, servant à loger les gens et à cerner l’esthétique d’un territoire, c’est bien l’architecture. Elle dit aussi l’air du temps. Ainsi le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne et Donald Trump aux Etats-Unis s’en emparent-ils au même moment, afin de mener une même bataille au nom d’un refrain familier : le beau, le traditionnel, l’identité nationale.

L’AfD, qui vient de s’allier de façon inédite à la droite allemande (CDU) sur la question migratoire, et qui pourrait grimper à 20 % lors des élections fédérales du 23 février, s’en prend violemment à la célébrissime école du Bauhaus, qui fut de tous les fronts de l’art en trois villes successives – Weimar, Dessau et Berlin – de 1919 jusqu’à sa fermeture, en 1933, par les nazis. Ces derniers y voyaient un lieu truffé de bolcheviques et de juifs propageant le virus d’un art dégénéré.

L’AfD étrille les théories architecturales du Bauhaus, l’accusant d’avoir inspiré, avant et après-guerre, des immeubles d’une « laideur abyssale ». A savoir, en schématisant, un cube blanc épuré en béton, à angles droits, au toit plat, aux larges fenêtres vitrées, sans volets ni ornementations sur les murs.

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L’AfD qualifie ces bâtiments de sinistres boîtes à chaussures, impersonnelles et communistes, coupées des traditions ancestrales. Les partisans de ce mouvement vantent au contraire une esthétique élégante, des lignes pures dynamisées par l’asymétrie ou des balcons élancés. Surtout la simplicité et la fonctionnalité ont permis de construire vite et à bas prix afin de loger des millions de gens, avant et après la seconde guerre mondiale.

Fatras conceptuel

L’AfD a récemment porté une motion devant le Parlement de Saxe-Anhalt demandant que les festivités à l’occasion des 100 ans de l’installation du Bauhaus à Dessau, en 2025, soient l’occasion d’un « examen critique ». La motion a été rejetée, mais l’essentiel est ailleurs.

Il est déjà effarant qu’un parlement allemand débatte d’un texte parlant d’« aberration de la modernité », de « masses uniformes », de vision « horrible », de bâtiments « antiallemands » – les mots utilisés par les nazis pour fermer l’école, que l’AfD s’approprie tout en les étendant aux migrants, comme le note l’historienne Katja Hoyer, dans le Guardian du 29 octobre 2024.

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