
Ils ont regardé les All Blacks dans les yeux. Du haka, dans la ferveur néo-zélandaise du stade de Dunedin, à la sirène de fin de match, l’équipe de France masculine de rugby, largement remaniée, n’a pas démérité, samedi 5 juillet, dans le premier des trois test-matchs de sa tournée estivale dans la nation australe. Les coéquipiers du capitaine Gaël Fickou se sont inclinés de justesse (31-27), après avoir joué crânement leur chance face à l’équipe au maillot noir frappé de la fougère.
Dans une rencontre où les deux escouades se sont rendu coup pour coup mais étaient encore en phase de réglages, les Bleus ont bénéficié de trois essais refusés aux Néo-Zélandais d’un intenable Will Jordan (auteur d’un doublé). Les Français, qui ont débuté la partie en fanfare (menant 10-0 après 17 minutes de jeu), ont souvent subi les déferlantes des All Blacks, mais su jusqu’au bout se montrer dangereux, même contre le cours du jeu. Au point de disposer d’une ultime munition pouvant leur offrir la victoire, dans les dernières minutes ; finalement mise à mal par un en-avant. De quoi nourrir quelques frustrations à l’issue de la partie, en dépit d’un résultat bien meilleur qu’espéré.
Eux, à qui les observateurs néo-zélandais promettaient l’enfer pour avoir emmené aux antipodes une équipe de bric et de broc, démunie de ses stars – outre Antoine Dupont, blessé, l’immense majorité des cadres, de Damian Penaud à Gregory Alldritt, est restée au pays –, se sont nourris du challenge. « On reçoit que des moqueries de la presse [locale], il n’y avait aucun respect pour les 42 joueurs présents ici, donc on avait à cœur de faire un gros match, a insisté le troisième ligne Mickaël Guillard après la rencontre, au micro de Canal+. Certes il n’y a pas tous les gros joueurs, mais ceux présents ont le niveau et ils ont pu montrer ce soir qu’ils pouvaient rivaliser. »
Une seule victoire en terres néo-zélandaises depuis 1995
Car depuis qu’elle se trouve dans l’archipel du Pacifique sud, l’équipe de France subit la foudre des critiques locaux, qui découvrent le fonctionnement de groupe français depuis le début du mandat de Fabien Galthié, à la fin de 2019 : équipe premium lors de la tournée d’automne et le Tournoi des six nations, mais recours aux jeunes pousses pour la tournée d’été. « C’est de la connerie totale la manière dont [les Bleus] traitent cette tournée. On dirait que les Français trouvent toujours une excuse pour ne pas faire venir leurs meilleurs éléments », avait ainsi tancé l’ex-demi de mêlée des All Blacks Justin Marshall dans le podcast « The Breakdown », dénonçant un « manque de respect ».
S’il a reconnu « comprendre » ces critiques, mais « ne pas pouvoir faire mieux », calendrier à rallonge du rugby oblige, le sélectionneur tricolore, Fabien Galthié, ne s’était pas privé au cours de la semaine d’employer les saillies subies comme levier de motivation pour ses joueurs. « Ils ont entendu ce qu’il s’est dit d’eux depuis qu’ils ont posé le pied en Nouvelle-Zélande », avait glissé avant la rencontre celui dont le mantra est de « puiser dans [le] vivier [français] pour essayer de bâtir une équipe compétitive ».
Les All Blacks, qui disputaient le premier match de leur saison après seulement dix jours de rassemblement, ne partageaient pas nécessairement le trop-plein de confiance des observateurs de leur pays. « Je suis certain qu’ils vont tirer le meilleur de leur groupe face à nous », avertissait le capitaine Scott Barrett avant la rencontre. Si elle a dominé la partie, l’équipe menée par les frères Barrett – outre le deuxième ligne Scott, le demi d’ouverture Beauden et le centre Jordie étaient alignés d’entrée – n’a pas toujours été capable de concrétiser ses occasions. Mais les joueurs en noir valident la victoire, après trois défaites de rang face aux troupes de Fabien Galthié – toutes sur le sol français.
« Depuis 1995, date à laquelle le rugby est passé pro, la sélection a joué treize matchs chez les All Blacks et n’en a gagné qu’un seul », mettait en avant le sélectionneur tricolore dans Midi olympique avant la tournée d’été. C’était en 2009, à Dunedin, déjà, pour lancer une tournée estivale (victoire 27-22). Samedi, l’ailier Gabin Villière et ses partenaires ne sont pas passés loin de mettre leurs pas dans ceux des coéquipiers de Thierry Dusautoir, alors capitaine, mais ils ont échoué de peu. « La meilleure chose que l’on puisse faire, c’est une performance samedi, puis la semaine suivante, et encore la suivante », assurait Fabien Galthié. Il reste deux occasions à cette équipe largement renouvelée de faire taire les critiques.