Le choix des mots est désormais difficile pour qualifier la situation carcérale française, excepté pour dénoncer l’absence de choix politique : « inertie », « délaissement coupable », selon les termes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Déraisonnable obstination, pourrait-on dire également, à ne pas entendre les nombreuses critiques et recommandations.

Il y a vingt-cinq ans déjà, une commission d’enquête du Sénat parlait d’« humiliation pour la République » au sujet des prisons. Depuis, les alertes parlementaires se succèdent pour « en finir avec la surpopulation carcérale » (2016), lister les « dysfonctionnements et manquements » de la politique pénitentiaire (2022), appeler à la mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale (2023), jusqu’à la remise, en mars, du rapport de la mission relative à l’exécution des peines recommandant d’adopter des mesures d’urgence pénitentiaire.

Malgré ces mises en garde répétées, la question de la surpopulation carcérale n’a toujours pas trouvé de réponse politique. Il est pourtant urgent d’agir.

Tout d’abord parce que la France ne respecte pas ses engagements internationaux et se met en infraction continue avec le droit européen. Condamnée, le 30 janvier 2020, par la Cour européenne des droits de l’homme dans le retentissant arrêt J.M.B. pour atteinte à la dignité humaine, la France comptait toujours, en 2023, parmi les mauvais élèves en matière de surpopulation, en troisième position, derrière Chypre et la Roumanie. En 2024, le comité des ministres du Conseil de l’Europe faisait part de sa « profonde préoccupation » quant à ce problème structurel qui perdure à ce jour.

L’échec de la lutte contre la récidive

Comme le disait Albert Camus, « une société se juge à l’état de ses prisons ». La France a bien été jugée, mais la foudre européenne n’a pas eu d’impact sur l’emballement des chiffres. En 2022, les projections de la population carcérale étaient de 74 996 personnes détenues pour 2027. Elles sont déjà largement dépassées, avec un énième record historique. Au 1er mai 2025, avec 83 681 personnes détenues pour 62 570 places et 5 234 matelas au sol, le taux de densité carcérale atteint 200 % dans plusieurs maisons d’arrêt accueillant les personnes en détention provisoire et les courtes peines.

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