Si Donald Trump est bien en train de déclencher une guerre commerciale, il s’agit d’une drôle de guerre, faite d’intimidations, de revirements et de beaucoup d’incertitudes. Moins de deux semaines après son investiture, le président des Etats-Unis a annoncé que les importations en provenance du Canada et du Mexique allaient être frappées de droits de douane de 25 % et celles venant de Chine de 10 %. Il a également laissé entendre que l’Europe pourrait être à son tour sanctionnée prochainement. D’un trait de plume, des décennies d’intégration économique, qui ont largement profité à la prospérité américaine et mondiale, sont susceptibles d’être remises en cause… ou pas. Bienvenue dans le monde selon Trump.

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La logique de ce dernier est double. Ces taxes aux frontières visent à redresser le déficit commercial et à ramener les usines sur le sol américain. Mais surtout, les droits de douane constituent un levier pour obtenir de la part des pays visés des concessions allant dans le sens des intérêts américains. Dans le cas du Mexique et du Canada, il s’agit de les forcer à durcir les contrôles aux frontières pour limiter les flux migratoires et le trafic de fentanyl. La Chine, elle, est accusée de faciliter l’importation aux Etats-Unis des molécules nécessaires à la fabrication de cet opiacé à l’origine de dizaine de milliers d’overdoses chaque année.

Ce levier de négociation a fonctionné vis-à-vis du Mexique et du Canada. En s’engageant à renforcer les moyens de surveillance aux frontières avec les Etats-Unis, les deux pays ont obtenu, lundi 3 février, un sursis d’un mois avant même que les décrets sur les droits de douane ne s’appliquent. Ceux concernant la Chine sont maintenus… jusqu’à nouvel ordre, entraînant des mesures de rétorsion de la part de Pékin.

Poker menteur

Nul ne sait comment se terminera ce chantage. Ce qui est sûr, c’est qu’en adoptant les méthodes qu’il a utilisées jadis dans la promotion immobilière, Donald Trump risque de créer une instabilité chronique dangereuse pour l’économie. Les relations commerciales des Etats-Unis sont désormais suspendues au bon vouloir d’un seul homme, qui évalue de façon subjective, sur une base juridique fragile, ce qui est bon ou non pour son pays.

Qui peut dire si les mesures prises par le Mexique et le Canada seront efficaces ? Qui peut garantir que leurs promesses seront suffisantes pour dissuader Donald Trump de mettre à exécution ses menaces dans un mois ou dans six mois ? L’économie mondiale est désormais plongée dans un poker menteur dont seul le président américain maîtrise les règles.

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En tant que levier économique, les droits de douane ont démontré leur inefficacité lors du premier mandat de M. Trump. Au lieu de reculer, le déficit de la balance commerciale n’a fait que se creuser, sans pour autant doper l’emploi industriel. En revanche, en tant que levier diplomatique, les barrières douanières sont en train de révéler tout leur potentiel.

Elles sont capables de tordre le bras des partenaires commerciaux des Etats-Unis, alliés comme adversaires. Mais cette stratégie fondée sur le principe du bouc émissaire a ses limites. En tenant les pays étrangers pour responsables des maux des Etats-Unis, Donald Trump laisse penser que ces mêmes pays peuvent à eux seuls les résoudre. C’est un fantasme. En revanche, organiser le chaos et humilier ses partenaires commerciaux ne fera qu’attiser leur défiance et les incitera à recalibrer leur dépendance au marché américain. Ce n’est sans doute pas le meilleur moyen de rendre sa grandeur à l’Amérique.

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Le Monde

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