« L’Ukraine n’a jamais existé », répètent à l’envi Poutine et les idéologues russes. Leur version de l’histoire n’est pas purement rhétorique : elle inspire une campagne visant à effacer systématiquement l’identité culturelle séculaire de l’Ukraine. L’Unesco dénombrait ainsi, au 16 avril, 494 sites détruits ou endommagés depuis le 24 février 2022, incluant 149 édifices religieux, 257 immeubles historiques, 33 monuments (dont ceux commémorant la Shoah), 18 bibliothèques, 34 musées et 2 sites archéologiques.

Toutefois, l’objectif de Moscou n’est pas seulement la destruction. Il s’agit également de s’approprier le patrimoine ukrainien, en le « russifiant » dès que cela s’avère possible. Dès l’occupation de la Crimée, en février 2014, est mise en œuvre une politique systématique de redéfinition de l’identité culturelle. Des milliers d’œuvres d’art sont transférées des musées de Crimée vers des institutions russes.

En 2016, la galerie Tretiakov accueille une grande exposition du peintre de marines du XIXe siècle Ivan Aïvazovski (1817-1900) : sur les 120 œuvres exposées, 38 proviennent de collections de Crimée. Or, malgré les protestations du ministère ukrainien de la culture, de grands musées européens ont continué à collaborer avec la galerie Tretiakov jusqu’à l’invasion à grande échelle de 2022. De même, le site archéologique de Chersonèse, pourtant inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, a été méticuleusement démantelé, pillé et remanié pour y installer, en juillet 2024, un complexe muséal incluant un nouveau « musée de la Crimée et de la Novorossia [Nouvelle Russie] », justifiant les revendications russes de « reconquête » des régions orientales et méridionales de l’Ukraine.

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Depuis février 2022, les pillages se sont intensifiés dans les territoires nouvellement occupés. Des centaines de milliers d’œuvres d’art et d’objets culturels ukrainiens ont été déplacés en Crimée ou en Russie. A Kherson, des conservateurs liés à des sociétés historiques pro-Kremlin, encadrés par des officiers du service fédéral de sécurité (FSB), le renseignement intérieur russe, ont guidé les forces russes dans le pillage du Musée Oleksiy Shovkunenko et du musée d’histoire locale. Plus de 13 000 objets ont été dérobés. A Marioupol, les militaires russes ont saisi des œuvres majeures d’Arkhip Kouïndji (1841-2010) et d’Ivan Aïvazovski. Quant à la collection d’« or des Scythes » conservée au musée d’histoire locale de Melitopol, elle a tout simplement disparu.

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