Samedi 30 janvier 1965, André Courrèges organise son défilé haute couture dans ses locaux, 48, avenue Kléber, à Paris. L’adresse, près de l’Arc de triomphe, le place dans la lignée des grands couturiers de l’époque, qui, pour s’adresser une clientèle huppée, s’installent sur les artères bourgeoises et prestigieuses de l’Ouest parisien. Mais, lors de précédents défilés, ses invités ont pu constater que la mode d’André Courrèges était loin d’être conventionnelle.
Au milieu des manteaux de jour et petites robes du soir dont l’élégance ascétique rappelle ses dix années passées chez Cristobal Balenciaga (1895-1972), André Courrèges (1923-2016) a déjà proposé un pantalon pour femme en 1964. Et il raccourcit chaque saison la longueur des robes. Ces innovations sont loin de faire l’unanimité dans la société française du début des années 1960 et détonnent encore plus dans l’univers feutré de la haute couture parisienne.
Pour la collection printemps-été 1965, André Courrèges frappe un grand coup : au lieu de glisser quelques modèles avant-gardistes au milieu de silhouettes classiques, il envoie sur le podium une trentaine de robes ou ensembles veste-jupe en forme de trapèze, à la taille et aux hanches effacées, qui s’arrêtent au-dessus du genou. Les lainages épais dans lesquels les vêtements sont taillés et la prépondérance de la couleur blanche soulignent la concision des formes. Non seulement ces tenues dévoilent de façon inédite l’anatomie féminine, mais, en plus, elles sont pensées pour laisser le corps libre de ses mouvements. Les mannequins avancent d’ailleurs au rythme d’une musique jazz, alors que le silence est alors de rigueur pour la haute couture.
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