La revue des revues. Depuis plusieurs années, la vidéosurveillance dite « algorithmique », dopée à l’intelligence artificielle (IA), s’est répandue en France. D’abord cantonnée à un usage statistique, elle a vu son usage élargi à des fins sécuritaires lors des Jeux olympiques de Paris, en 2024, pour détecter les mouvements de foule ou les bagages oubliés. Une expérimentation que le législateur a décidé de reconduire jusqu’en 2027 malgré un rapport d’évaluation pointant une efficacité relative.
La revue Réseaux aborde cette nouvelle technologie dans son numéro de mai-juin portant sur « Les politiques numériques de la sécurité urbaine » (310 pages, 20 euros). Elle note que les opposants et les soutiens de la vidéosurveillance algorithmique ont en commun d’en surestimer l’impact, et c’est lorsqu’elle souligne la surpuissance prêtée aux machines que la revue est la plus fertile.
L’article « Qui rend lisibles les images ? », de Clément Le Ludec et Maxime Cornet, fondé sur une observation fine de deux systèmes de vidéosurveillance algorithmique, remet en cause cette idée. Les sociologues reviennent sur le nécessaire travail humain pour nettoyer et annoter les images employées afin d’entraîner l’IA à reconnaître une situation donnée. Cette intervention humaine influe sur la « définition de l’infraction » que le système va rechercher.
Effet pervers
C’est particulièrement vrai dans un des cas étudiés, un algorithme de détection de vol à l’étalage dans les supermarchés. Les annotateurs doivent identifier des gestes qu’ils jugent suspects, présageant d’un vol. Une tâche qui conduit à une « simplification du réel » obérant l’efficacité du dispositif. L’intervention humaine dépasse même l’entraînement : la caractérisation des événements est parfois faite en temps réel par les annotateurs, basés à Madagascar. Le système n’est dès lors plus vraiment automatique.
Par ailleurs, l’utilisation de cet outil ne se traduisant pas par une baisse du nombre de vols, cette inefficacité conduit les opérateurs à se rabattre sur la vidéosurveillance. Un autre système, utilisé contre les infractions routières, a tendance à être focalisé sur des zones déjà sous surveillance, limitant l’apport du dispositif. Et pour rentabiliser ce coûteux système, on lui cherche même des applications différentes de celles prévues au départ.
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