La gestion sanitaire du Covid-19 n’a pas seulement bouleversé nos modes de vie et nos systèmes de santé : elle a profondément fracturé notre rapport à la mort. Au cœur de cette tourmente, l’application de mesures sanitaires draconiennes a provoqué une véritable rupture anthropologique, éloignant l’acte funéraire de ses racines humaines et rituelles pour le plonger dans une froide logique de précaution et de sécurité.
Le 18 février 2020, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) préconisait, en cas de présomption de Covid-19, l’interdiction des soins de thanatopraxie, le placement du défunt dans une housse hermétique et une mise en bière immédiate. Cependant, dès le 24 mars, alors même que le confinement s’étendait sur le pays, le HCSP revenait sur sa position drastique en étendant le délai de mise en bière, en autorisant les toilettes rituelles et en permettant d’ouvrir la housse au niveau du visage du défunt. Cet avis aurait pu constituer le socle d’une approche équilibrée, mêlant prudence et respect des rites essentiels à la condition humaine.
Pourtant, très rapidement, la peur du virus s’est muée en une obsession pour la sécurité, entraînant une dérive brutale alors même que la transmission post mortem de la maladie n’avait jamais été démontrée. Le décret du 23 mars 2020, qui imposait la mise en bière immédiate, marque un tournant radical. Il sera suivi par le décret du 1er avril, interdisant la présentation en chambre funéraire, prohibant la toilette et les soins funéraires. Jusqu’au dernier décret du 29 octobre 2020, un chapelet de textes réglementaires viendra prolonger et renforcer ces interdictions, avec un implacable entêtement des ministres. Les tentatives d’assouplir un tant soit peu ces protocoles furent combattues par l’activisme ardent du député Olivier Falorni – par ailleurs auteur d’une proposition de loi relative à la fin de vie.
Renier une part essentielle de notre identité collective
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