La volonté exprimée par Michel Barnier dans sa déclaration de politique générale, le 1er octobre à l’Assemblée nationale, de mettre enfin en œuvre une modification du mode de scrutin législatif pour aller vers la proportionnelle ne doit pas transformer ce sujet en fugace thème d’actualité ni permettre de le voir comme un débat à la mode. Cette question a, en réalité, toujours été au cœur des préoccupations constitutionnelles et politiques depuis la seconde moitié du XIXe siècle et l’avènement du suffrage universel.

Le débat ne s’est apparemment apaisé à partir de 1958 que parce que la Ve République naissante, puis installée à partir de 1962, a donné le sentiment que le scrutin uninominal majoritaire à deux tours qu’elle instaure – en réalité qu’elle reprend de la IIIe République, qui n’a connu qu’une brève et incomplète parenthèse proportionnelle entre 1919 et 1927 – faisait corps avec la stabilité qu’elle offre.

Or cette impression est à la fois exacte et trompeuse. Exacte, parce que le scrutin uninominal à deux tours a accompagné le « présidentialisme majoritaire », ce système de gouvernement où le président de la République élu au suffrage universel gouverne par l’intermédiaire d’un premier ministre subordonné et grâce à l’appui a priori et durable de députés disciplinés élus sur son nom plus que sur le leur.

L’artifice de l’élection du président au suffrage universel

Trompeuse, car la stabilité politique offerte par le scrutin majoritaire s’est faite à un prix très élevé et s’est révélée n’être qu’un leurre : elle a masqué le désaccord croissant entre le corps électoral et les politiques conduites depuis quarante ans, jugées interchangeables et hors d’atteinte de toute sanction tant au Parlement que par le bulletin de vote au point de finir par susciter des sanctions comme lors du référendum de 2005 voire, quinze ans plus tard, des jacqueries violentes avec le mouvement des « gilets jaunes ».

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Elle a offert l’illusion que la majorité des députés à l’Assemblée nationale était aussi « absolue » que celle du corps électoral alors qu’il n’en était rien et que le décalage entre électeurs et députés ne cessait de croître.

L’artifice de l’élection du président de la République au suffrage universel, sorte de trou noir du débat politique, a d’ailleurs fini par ne plus produire les effets escomptés : les électeurs refusent désormais aux élections législatives le vote qui leur a été imposé au second tour de l’élection présidentielle.

Le décalage entre les électeurs et les représentants du peuple

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