La France, comme l’ensemble du monde occidental, a pratiqué le « quoi qu’il en coûte » il y a seulement quatre ans. D’un coup, l’argent coulait à flots et il semblait ne plus y avoir de limites. Les taux d’intérêt auxquels la France empruntait, de l’été 2019 à la fin 2021, étaient pour l’essentiel négatifs. L’argent était gratuit.

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Aujourd’hui, la perspective d’un gouvernement Rassemblement national (RN), mais aussi Nouveau Front populaire, fait souffler un vent de très sérieuse inquiétude sur les marchés. Risque de dérapage, estiment-ils. L’écart entre les taux de l’Allemagne, pays jugé le plus sûr, et celui de la France, est déjà passé de 0,5 point à 0,75 point depuis la dissolution. Ce qui était possible il y a peu ne le semble plus. Pourquoi ?

Pour répondre à cette question, il faut se mettre deux minutes dans la peau d’un prêteur obligataire. Imaginez : vous travaillez pour un gros fonds de pension, vous avez des dizaines de milliards de dollars à placer. Où les mettez-vous ? Pour vous, le seul critère qui compte est le couple rendement-risque comparé entre un actif et un autre. Les obligations allemandes ou françaises ? Le secteur immobilier ou celui du luxe ? L’euro ou le dollar ?

Pays jugé trop dépensier

Pendant la pandémie, tout le monde empruntait en même temps. Les pays ont modifié leurs comportements en parallèle. La comparaison entre les risques n’avait guère changé.

Mais cette fois-ci, la France est à part. Si la retraite à 60 ans entre de nouveau en vigueur, par exemple, l’écart de risque entre la France et l’Allemagne aura changé. C’est peut-être regrettable, mais pour le gérant obligataire, le calcul est modifié.

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« Les marchés prennent aussi en compte les explications que le gouvernement donne pour justifier ses emprunts, ajoute Andrew Kenningham, du cabinet Capital Economics. Imaginez un pays touché seul par une pandémie, avec un virus qui ne passerait pas les frontières : une hausse des dépenses peut parfaitement se justifier. Mais si les dépenses paraissent trahir un manque de sérieux, cela pose un problème. »

La deuxième grande différence avec la période de la pandémie est l’action des banques centrales. Face au Covid-19, elles avaient toutes baissé les taux d’intérêt de façon historique et étaient intervenues sur les marchés en achetant la dette des Etats… Il s’agissait d’aider les gouvernements à faire face à une situation historique. D’où une action sans précédent : aides budgétaire et monétaire en même temps. Cela revenait (presque) à faire tourner la planche à billets… La sanction est tombée deux ans plus tard, avec le soudain retour de l’inflation.

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