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Histoires Web vendredi, septembre 27
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Avec la mort d’Eikoh Hosoe, une figure tutélaire de la photographie japonaise disparaît. Auteur, dans l’après-guerre, d’une œuvre pionnière à la subjectivité expressionniste, proche de la performance, il a longtemps été un passeur de la photographie dans son pays, grâce à ses échanges nourris avec des artistes étrangers et à son rôle de directeur du Musée de la photographie (KMoPA) de Kiyosato, près de Tokyo, dès sa création, en 1995. Il est mort le 16 septembre, à 91 ans, après avoir marqué son époque avec des photographies tourmentées, à la sensualité trouble.

Lorsque Eikoh Hosoe commence sa carrière, au début des années 1950, il adhère au style de documentaire social alors très répandu dans le Japon de l’après-guerre. Ses premières images témoignent de la présence américaine dans le pays et de la vie quotidienne dans les quartiers populaires. Le photographe, qui parle très bien anglais, est déjà ouvert sur l’Occident, et décide de changer son prénom de Toshihiro en Eikoh, qu’il juge plus moderne et qui signifie « le grand homme anglais ».

Avec cinq autres photographes, dont Shomei Tomatsu (1930-2012) et Akira Tanno (1925-2015), il crée un collectif qui fera date, inspiré du modèle de l’agence Magnum. Il le nomme Vivo – « la vie » en espéranto –, avec l’idée de déborder des limites du documentaire et de s’adresser à un public qui ne serait pas seulement japonais. Une expérience fondatrice, même si elle s’arrête au bout de quatre ans.

Esthétique inédite

C’est sa découverte du monde de la danse qui va opérer un tournant radical chez lui, et en particulier sa rencontre avec le danseur Tatsumi Hijikata (1928-1986), son ami et complice pour la vie. En 1959, Eikoh Hosoe le voit se produire dans l’adaptation d’un texte de l’écrivain Yukio Mishima (1925-1970), Kinjiki (1951) (Les Amours interdites, Gallimard, 1989), qui conte des amours homosexuelles.

Ce spectacle restera dans l’histoire comme le moment fondateur du buto, cette danse-théâtre d’avant-garde, lente et minimale, en rupture totale avec les arts vivants traditionnels japonais. Totalement envoûté par la performance, Eikoh Hosoe va collaborer avec Tatsumi Hijikata et Kazuo Ohno (1906-2010), cofondateur du buto, dans plusieurs œuvres à l’esthétique inédite.

Lire aussi (2000) | Article réservé à nos abonnés Le buto, danse de l’extrême

La série Man and Woman, qui fera l’objet d’un livre en 1961, met ainsi en scène un homme et une femme nus dans des images hallucinées, mangées par le noir, à la fois sensuelles et inquiétantes. Chez Eikoh Hosoe, l’image se fera désormais le support d’une subjectivité exacerbée. L’ensemble, accompagné de poèmes de Taro Yamamoto (1925-1988), fait sensation.

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