« Je suis désolé. J’ai pas voulu quitter là-bas, maman, franchement (…) C’est mon avenir que je regarde. Bisous. Je vous embrasse. Amen, Amen. » Sur son téléphone portable, Lara Levesque réécoute les messages laissés par Mamadou Garanké Diallo ces derniers mois. Il lui explique avoir quitté à regret la région rouennaise, où il résidait depuis six ans, pour rejoindre l’Angleterre. Lara Levesque hébergeait ce Guinéen de 21 ans depuis un an et demi à son domicile de Darnétal, en périphérie de Rouen. Le jeune homme l’appelait affectueusement « maman ».

Dans la maison de cette travailleuse sociale de 53 ans, qu’elle avait ouverte depuis des années et de façon bénévole à des « jeunes fragilisés », la chambre de Mamadou est vide, désormais. Son peignoir est toujours suspendu au-dessus du lit, son sac à dos posé au sol. Mamadou Garanké Diallo a été retrouvé mort, dans la nuit du 17 septembre, à Loon-Plage (Nord), non loin des campements dans lesquels les migrants se regroupent avant de traverser la Manche. Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances de son décès. Il pourrait avoir fait une chute ou avoir été écrasé en essayant de se cacher dans un poids lourd, sur un parking à proximité du terminal de ferrys où des camions embarquent pour Douvres (Royaume-Uni).

Le jeune homme ne rêvait pas d’Angleterre, mais il avait perdu espoir après avoir reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF), au mois de mai. « Il n’a pas su comment gérer, il a eu peur », croit Alpha (les personnes citées par leur prénom ont souhaité conserver leur anonymat), un Guinéen de 24 ans qui l’a connu au centre de formation d’apprentis Simone-Veil. Dans cet établissement rouennais, Mamadou a suivi un CAP de boucher, lui qui n’avait jamais été scolarisé. Claude Renard se souvient de cet adolescent qui s’était présenté à sa boucherie, à Darnétal, à la recherche d’un contrat en alternance. « C’était un gars plein de vie, joyeux. Il ne rechignait pas sur le travail », rapporte cet homme de 63 ans, désormais retraité et qui le considérait « un peu comme [son] gamin ». Il l’avait amené dans sa ferme de Bois-d’Ennebourg où il élève des vaches et dans sa maison secondaire à Courseulles-sur-Mer, dans le Calvados.

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