La machine boursière américaine impressionne, interroge, agace, ou dépite. Déjà près de 22 % de hausse depuis le début de l’année pour le S&P 500 [qui représente les grandes entreprises américaines] (dividendes inclus), après les 27 % de 2023. La crise Covid est loin derrière. Les crises précédentes aussi vite oubliées.

Depuis près de cent ans maintenant, la Bourse américaine affole les compteurs, augmentant chaque année de près de 7 % au-delà du coût de la vie (inflation), d’après les données du professeur Robert Shiller. Du pain béni pour l’homo economicus américain.

Pourtant, il y a près de vingt ans déjà, nombre d’experts à fort pedigree (en 1999 et à nouveau en 2005) prévenaient que la Bourse américaine ne pourrait plus progresser au même rythme pour les années à venir. Un rythme jugé alors incompatible avec le ralentissement de la croissance économique anticipé par les autorités « compétentes ». Les experts eurent presque raison, puisque deux crises majeures survinrent alors. La crise des valeurs technologiques en 2000, puis celle des subprimes en 2008. La Bourse perdra près de 50 % à chaque fois… mais pour repartir de plus belle après !

Les économistes trop pessimistes

Plus de vingt ans plus tard, nous en sommes au même point, ou pire. La croissance américaine a bien ralenti, mais pas la Bourse. L’exubérance est devenue béance. Le scénario économique n’a pas ou peu changé. D’ici à la fin de siècle, la croissance économique devrait plafonner à 2 %, compte tenu d’une croissance durablement faible de la population active (baby-boomers à la retraite et faible natalité), et d’une frilosité à parier sur un raffermissement tendanciel de la productivité du travail après des années décevantes. Mais la Bourse, elle maintient son rythme de croisière à plus de 7 % par an au – dessus de l’inflation.

Le verdict des experts n’a donc pas changé.

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Soit les investisseurs se font des illusions, et doivent réviser significativement à la baisse leurs attentes en termes de performances pour les années à venir.

Soit les économistes sont trop pessimistes, et doivent réviser à la hausse la croissance économique anticipée pour les décennies à venir. A moins qu’il n’existe quelque moyen de réconcilier les deux lectures ?

Rachats d’actions

Parmi les fictions proposées, il y a d’abord la théorie économique. Cette dernière ne prétend pas faire un lien aussi direct entre la performance des marchés et celle de l’économie. Ainsi, les principaux modèles de croissance retenus par la recherche académique relèvent que le taux de rendement (du capital, ou de l’actif sans risque, ou d’un actif risqué, selon les cas) peut très bien résister à une baisse de la croissance économique potentielle, mais sous certaines conditions. Des remarques en théorie recevables, mais en pratique devenues hors sujet : le rythme soutenu de la Bourse américaine n’a plus rien à voir avec celui de l’économie. Un tel écart tutoie l’antinomie !

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