Livre. Le sigle est aussi barbare que la réalité qu’il recouvre est sensible. Les UPE2A, ou « unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants » sont des classes qui accueillent, dans les écoles primaires publiques, des enfants étrangers ne parlant pas le français ou le maîtrisant mal. A mesure qu’ils progressent, ils sont, peu à peu, intégrés dans les autres classes correspondant à leur âge et à leur niveau.

Dans Les Nouveaux Venus (Faubourg, 128 pages, 21 euros), Aurélie Castex raconte, en bande dessinée, le déroulement d’une année scolaire auprès d’une UPE2A de Paris. La classe est un patchwork de nationalités, de niveaux sociaux et d’expériences. Flavia, une Brésilienne de 9 ans, ignore que dans son pays d’origine aussi, l’école est obligatoire ; Viktor, un Serbe du même âge, est manifestement épuisé par toutes les activités extrascolaires auxquelles l’ont inscrit ses parents ; quant à Ophélie, une Chinoise de 6 ans, elle comprend tout ce qu’on lui dit mais n’a, depuis son entrée à l’école, pas prononcé un seul mot.

L’album se garde bien de tout angélisme. Pour ces enfants, l’année est dure, les efforts à accomplir considérables. L’enseignante doit non seulement préparer les élèves au DELF, un diplôme de langue française, mais aussi les sensibiliser à la laïcité, tout en tenant compte de la situation sociale parfois précaire de sa famille. Lorsqu’un enfant n’est, le soir, pas récupéré par ses parents, cela signifie parfois que ces derniers, en situation irrégulière, ont été arrêtés. Une classe découverte à la grotte de Lascaux est l’occasion de constater que, dans la famille d’Hosni, on ne croit pas, pour des raisons religieuses, à l’existence des hommes préhistoriques. Le directeur, lui, a toutes les peines à convaincre le père de Mohammed que la pratique de la danse n’a rien de dégradant pour son fils.

Lavabo et graffitis

Les UPE2A ont beau être essentielles à la mission intégratrice de l’école, le dispositif possède peu de moyens et de personnels, montre l’autrice. Un enfant, dont les parents viennent d’obtenir un logement à Gonesse (Val-d’Oise), s’apprête à changer d’école en cours d’année. Là-bas, l’UPE2A n’existe que sur le papier : l’enseignante qui y est affectée « tourne » sur trois écoles différentes.

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Par bribes, l’album dresse aussi le portrait général d’une école publique malmenée. Le matin, avant l’ouverture des portes, le directeur doit s’improviser plombier pour réparer un lavabo. L’établissement dans lequel les enfants vont passer leur examen a des murs lézardés et sa façade est parsemée de graffitis réclamant un médecin scolaire et une assistante sociale. « Dans l’école où j’ai travaillé pour ce livre, il n’y avait pas de psychologue, car non remplacée, une infirmière pour 1 500 enfants en élémentaire et 1 000 en maternelle », écrit l’autrice, qui constate « les limites de ce que peut apporter une école en manque de moyens à des élèves qui se trouvent parfois dans des situations sociales et familiales extrêmement compliquées ».

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