Le qualificatif d’« historique » n’est pas abusif : la baisse des effectifs d’élèves attendus ces prochaines années dans le système scolaire n’a aucun précédent depuis 1945. Dans les dix ans qui viennent, la France comptera 19 % d’écoliers en moins, selon une étude de l’Institut des politiques publiques publiée en juin.

L’éducation nationale prévoit une baisse de 560 800 élèves d’ici à 2029. Vertigineuse et déjà amorcée dans l’enseignement élémentaire, la chute va se prolonger dans le secondaire. Elle résulte de l’effondrement de la natalité, passée de 828 000 naissances en 2010 à 660 800 en 2024.

Hasard de l’histoire démographique, un grand nombre d’enseignants nés pendant le baby-boom de l’après-guerre – 330 000 d’ici à 2030 – s’apprêtent à prendre leur retraite au même moment. Moins d’élèves, moins de professeurs : la tentation est forte d’utiliser cette marge de manœuvre providentielle pour ne pas remplacer les enseignants retraités, surtout en ces temps de recherche effrénée d’économies budgétaires, alors que le premier ministre, François Bayrou, souhaite ne pas remplacer un fonctionnaire sur trois à compter de 2027.

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En réduisant les effectifs de professeurs à proportion de la baisse attendue du nombre d’élèves, la France compterait 53 000 postes en moins d’ici à 2034, soit une économie de 3,4 milliards d’euros, indique l’Institut des politiques publiques. Déjà, en septembre 2024, un rapport conjoint de l’inspection générale des finances et de celle de l’éducation avait envisagé trois scénarios de « rationalisation » destinés à tirer parti de la décrue : fermetures de classes, remise en cause de la politique de dédoublement, refonte du maillage territorial se traduisant par la fermeture de près de 2 000 écoles.

Jour de la rentrée, le 1er septembre 2025, dans le groupe scolaire public Marie-de-Gournay (maternelle et primaire), à Toulouse.

Or la « règle de trois » ne saurait servir de clé pour gérer le tournant démographique en cours dans une institution scolaire percluse d’inégalités. Piètrement noté dans les classements internationaux, le système éducatif français se caractérise par le poids de l’origine sociale dans les résultats des élèves, par les écarts entre garçons et filles, et entre territoires ruraux et urbains. Réduire le nombre d’élèves par classe n’est pas la panacée, mais c’est le passage obligé, à côté des efforts de formation et de la stabilisation du système, des améliorations indispensables.

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Toutes les études le montrent : la taille des classes influence le niveau d’acquisition des connaissances, en particulier chez les élèves défavorisés. Or la France se distingue par un nombre d’élèves par classe supérieur à la moyenne dans l’Union européenne. Quant à l’économie budgétaire liée à une baisse du taux d’encadrement des élèves, elle apparaît illusoire. Améliorer les performances des élèves par des effectifs réduits se traduit par de meilleurs salaires futurs, promesse d’une amélioration de la richesse nationale et de meilleures rentrées fiscales.

A l’heure des épineux choix budgétaires, la France ne doit pas se tromper. Une logique purement comptable ne peut s’appliquer à l’un des investissements les plus cruciaux pour l’avenir du pays, l’éducation. La baisse des effectifs d’élèves constitue une aubaine historique, non prioritairement pour réaliser des économies, mais pour donner à tous les acteurs d’un système essoufflé le signal du renouveau, pour améliorer les mécanismes de remplacement et pour corriger les terribles inégalités géographiques et sociales dans la distribution des moyens d’enseignement qui ébranlent le pacte social et compromettent l’avenir du pays.

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Le Monde

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