Des pancartes « IVG = cœurs brisés », des drapeaux tricolores et des étendards à fleur de lys ont envahi la place Denfert-Rochereau, à Paris. La Marche pour la vie, défilé annuel des opposants à l’avortement, vient d’arriver à quai, ce froid dimanche de janvier 2024. Sur l’estrade, deux jeunes, la voix aussi criarde que le bleu de leur pull floqué « j’aime la vie », réclament « du bruit ! » aux quelques milliers de personnes présentes. La speakerine introduit le premier intervenant avec le même enthousiasme que si elle annonçait les chanteuses américaines Beyoncé ou Taylor Swift. « Il est le président de la Fondation Jérôme Lejeune, il se bat quotidiennement pour défendre la vie, de sa conception à la mort naturelle. Un torrent d’applaudissements pour Jean-Marie Le Ménéééé ! »

La vedette, magistrat à la Cour des comptes de 68 ans, entre en scène, l’air sévère. Il ressemble à Alain Juppé, dans une version réactionnaire. Même componction de haut fonctionnaire, même crâne pelé, recouvert, pour la circonstance, d’une casquette rouge « génération pro-vie ». S’il ouvre le bal des discours, ce n’est pas tant pour ses qualités de tribun que pour la profondeur de ses poches. La Fondation Jérôme Lejeune, reconnue d’utilité publique pour son action en faveur des personnes atteintes de trisomie 21, est l’un des principaux bailleurs de fonds de la manifestation, réunion de catholiques traditionalistes, de familles nombreuses et de militants radicaux – de l’Action française au GUD.

L’événement se tient rituellement aux alentours du 17 janvier. Une date honnie pour les participants, qui marque la promulgation, en 1975, de la loi Veil autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Cinquante ans ont passé depuis. Un demi-siècle durant lequel la société française a embrassé sans réserve cette réforme. Eux s’y refusent encore, persuadés de se trouver à l’avant-garde d’une résistance capable d’arrêter un cycle de « transgressions ». La plupart n’osent pas rêver, à court terme, d’un retour en arrière et d’une abrogation de la loi. Mais la jeunesse de leurs troupes et l’influence de leurs relais politiques les incitent à continuer de braver le froid. « Le peuple est davantage réactionnaire qu’on l’imagine », estime Jean-Marie Le Méné face aux caméras des médias « amis » qui viennent l’interroger.

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