Une opportunité, un dépaysement, un rituel de passage vers l’autonomie… Les mots ne manquent pas aux étudiants des grandes écoles pour décrire la période de stage obligatoire à l’étranger, prévue dans leur cursus. Mais l’aventure, espérée par la plupart, se complique considérablement pour les étudiants en situation de handicap (ESH). « J’ai eu des galères », reconnaît Gaëlle Vitali-Derrien, 27 ans, ancienne élève ingénieure de CentraleSupélec, docteure en physique des matériaux. La jeune femme est atteinte de myopathie depuis l’adolescence, une maladie rare dont les traitements sont encore expérimentaux.
En quittant le secondaire, de nombreux étudiants disent en avoir « ras-le-bol de porter dans le dos une étiquette “handicapé”. Ils veulent vivre normalement, quitte à délaisser leurs traitements », constate Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation familles de l’association APF France Handicap. Pour effectuer un premier stage ouvrier, Gaëlle ne se fixe pas de limite : direction Kisarazu, au Japon, pour travailler trois mois comme femme de chambre. « Je pars sans traitement, je veux le laisser derrière moi. Mais, sur place, j’ai des premiers symptômes de manque, puis mon système immunitaire s’emballe, je fais une grosse réaction allergique et je me retrouve à l’hôpital. De retour en France, mes médecins me disent clairement de ne pas recommencer. »
Gaëlle réalise une seconde mobilité plus proche de Paris, au Luxembourg, mais la proximité avec la France n’a pas mis fin aux complications liées à sa santé. « Les pharmacies luxembourgeoises ne reconnaissaient pas les ordonnances françaises. Je devais faire des allers-retours régulièrement entre le grand-duché et Paris pour prendre mes traitements », témoigne-t-elle. Des choses aussi simples qu’indispensables peuvent se compliquer en matière de mobilité.
Frein financier
Si les expériences à l’étranger sont exigées par les écoles auprès de la majorité des étudiants, « il existe un mécanisme de dispense pour les ESH, rappelle Laurent Champaney, président de la Conférence des grandes écoles (CGE). Mais ne pas réaliser de mobilité est souvent vécu comme une sanction par les étudiants ».
L’ensemble des dispositions peuvent être particulièrement onéreuses selon le handicap. Il existe néanmoins quelques aides : la CGE a accordé, en 2024, vingt-trois bourses à autant d’étudiants en situation de handicap financées par TotalEnergies pour un montant global de 40 000 euros. L’agence Erasmus+ possède également, depuis 2022, un système de bourses d’un montant de 250 euros par mois. Selon l’agence, des compléments peuvent être accordés aux ESH à leur retour de mobilité, sur présentation de justificatifs.
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