Que devient notre corps après le décès ? En France, seuls deux modes de sépulture sont actuellement reconnus : l’inhumation et la crémation. Alors que de nouvelles pratiques funéraires émergent ailleurs en Europe et dans le monde, le sens donné à nos rites autant que leurs enjeux symboliques, économiques, sanitaires, légaux et environnementaux doivent être repensés.

Lors de reprises de concessions dans des cimetières au Portugal, les chercheurs constatent depuis plusieurs années que les dépouilles ne se décomposent plus. L’une des raisons invoquées pour expliquer ce phénomène est la détérioration des sols. Les cimetières les plus anciens ont été en effet durablement contaminés par le grand nombre de défunts qui y ont été enterrés et par l’emploi de formol pour la thanatopraxie. Les terres sont devenues inertes, empêchant les processus naturels de décomposition.

L’usage de cercueils hermétiques et de bois traités ralentit également la biodégradation : emprisonnés sans air et sans microfaune, les cadavres pourrissent en générant des résidus toxiques. Cette situation complique la gestion des cimetières, les concessions ne pouvant être reprises que lorsque la dégradation totale du corps est effective. En France, la lente décomposition des corps est également constatée, bien qu’aucune étude systématique n’existe.

Enjeu symbolique, légal et environnemental

L’inhumation n’est pas la seule pratique posant question. Légalisée en 1887, la crémation a progressivement trouvé sa place dans le paysage funéraire français, jusqu’à concerner 42 % des défunts en 2022. Cette évolution nécessite de construire de plus en plus de crématoriums : des infrastructures lourdes, consommatrices d’énergie et polluantes. Beaucoup s’accordent également sur la pauvreté symbolique des rites de crémation, généralement calqués sur ceux de l’inhumation.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les arbres-sépultures, gardiens des urnes funéraires, pourront continuer à pousser dans le Morbihan

Les cendres issues de la combustion du corps, du cercueil et de la pulvérisation (broyage) des os présentent également un enjeu symbolique, légal et environnemental. Celles-ci sont souvent chargées en métaux lourds potentiellement toxiques : les déposer dans des puits de dispersion, ou jardins du souvenir, conduit à les mélanger et à les concentrer, tandis que leur dispersion en pleine nature les propage. Depuis 2008, un statut légal est reconnu aux cendres issues de la crémation, ce qui assure leur traçabilité et leur respect.

Le paysage funéraire et le cadre juridique n’ont donc rien d’immuable. L’émergence des coopératives funéraires, d’associations engagées, la création d’un collectif pour une sécurité sociale de la mort, ou encore la proposition de loi visant à développer l’humusation des corps et la création annoncée d’un groupe d’études ministériel confirment qu’une part croissante de nos concitoyennes et concitoyens ne se reconnaissent pas dans les propositions rituelles et les valeurs associées aux sépultures déjà légales.

Il vous reste 54.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
Exit mobile version