Un homme, Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, est mort après douze jours de violences sous l’œil des caméras de quelques très mauvais « réalisateurs » et sous ceux de milliers d’internautes voyeurs. Cette fois, il ne s’agit pas d’une fiction telle que filmée par le cinéaste Bertrand Tavernier (1941-2021) en 1980 dans La Mort en direct, dans lequel il dénonçait le voyeurisme et la société du spectacle. La violence est une donnée inhérente aux sociétés humaines et, des jeux du cirque aux exécutions en public, les individus ont souvent payé pour regarder souffrir leurs congénères.

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Mais le numérique a amplifié ce phénomène. Les contenus haineux et violents sur les plateformes sont d’une telle intensité qu’elle atteint la santé mentale des modérateurs. Dans le cas de la plateforme Kick diffusant la chaîne « Jean Pormanove », un cran a été franchi, puisque les voyeurs payaient non seulement pour assister au spectacle d’humiliation et de violence, mais aussi pour l’encourager.

Pour la Ligue des droits de l’homme (LDH), au-delà des questions morales que posent ces phénomènes, plusieurs problèmes doivent être traités. Contrairement à ce qu’a pu dire la ministre chargée du numérique, Clara Chappaz, Internet n’est pas une zone de non-droit. Les créateurs de contenus peuvent ainsi être amenés à répondre de leurs propos (en l’occurrence homophobes et handiphobes, mais ce peut être également des propos racistes, antisémites, sexistes, etc.) ou de leurs actes.

Ainsi, la LDH avait dénoncé, dans sa saisine de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de février, des violences commises et le délit de diffusion de ces images. Par ailleurs, l’Union européenne (UE) a laborieusement mis en œuvre règlements ou directives pour protéger les données personnelles et pour réguler les plateformes.

Défaut d’impulsion

Le règlement sur les services numériques contraint en effet la France à la surveillance et à la régulation des plateformes en ligne : protection des utilisateurs, obligation de transparence, suppression des contenus illégaux. La mise en œuvre de ces obligations a été confiée à l’Arcom, autorité administrative indépendante censée disposer de pouvoirs suffisants à cette fin. Il y a pour autant un fossé entre théorie et pratique.

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