Une chose est sûre : il va y avoir un changement de style radical Place Vendôme. Ce ne sera plus Eric Dupond-Moretti, 63 ans, ancien avocat pénaliste au tempérament sanguin, appréciant les joutes oratoires, qui occupera le siège de ministre de la justice. Le nouveau garde des sceaux – au profil très « finances publiques » – a beaucoup moins d’aspérités : Didier Migaud, 72 ans, ancien socialiste, ancien président de la Cour des comptes, était, depuis 2020, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Symbole important, son nom a été le premier cité dans l’ordre protocolaire, lors de l’annonce du gouvernement samedi soir.

La rupture avec l’ancien garde des sceaux est, en réalité, multiple. Ainsi, il a été reproché à Eric Dupond-Moretti des conflits d’intérêts quand, quelques semaines après sa nomination Place Vendôme, il avait ordonné à l’inspection générale de la justice des enquêtes administratives contre des magistrats avec qui il avait eu maille à partir quand il était avocat. Un procès a même eu lieu devant la Cour de justice de la République, à l’issue duquel M. Dupond-Moretti a été relaxé. Son successeur a, quant à lui, été chargé justement de traquer les éventuels conflits d’intérêt à la HATVP.

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Autres différences notables : alors que M. Dupond-Moretti était un novice en politique, M. Migaud, lui, a un CV bien rempli. Député Parti socialiste de l’Isère en 1988 (jusqu’en 2010), maire de Seyssins dans le même département (1995-2010), conseiller régional entre 1986 et 1988, président de Grenoble-Alpes Métropole de 1995 à 2010… Il a également occupé des fonctions importantes à l’Assemblée (rapporteur général du budget entre 1997 et 2002 ; questeur entre 2002 et 2007 ; président de la commission des finances entre 2007 et 2010).

De même, M. Dupond-Moretti était un bon connaisseur du monde judiciaire : célèbre avocat pénaliste, il connaissait la réalité du manque de moyens de la justice, aussi bien dans les tribunaux que dans les prisons. M. Migaud a certes une formation en droit public (il est aussi diplômé de sciences politiques) et a présidé la Cour des comptes, mais cela ne lui a pas donné la même connaissance de la justice du quotidien.

Enfin, dernière différence, Eric Dupond-Moretti a défendu et obtenu une augmentation historique du budget de la justice (sa loi de programmation de 2023 prévoyait + 60 % sur les deux quinquennats d’Emmanuel Macron, permettant notamment 10 000 emplois supplémentaires, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers). Didier Migaud devra faire, pour sa part, avec un budget en recul par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation. Dans le texte porté par M. Dupond-Moretti, le budget de la justice pour 2025 devait être de 10,7 milliards d’euros. Or, il est prévu que le budget soit de 10,2 milliards d’euros.

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