La police géorgienne a fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau contre des manifestants pro-européens qui ont tenté de pénétrer dans la résidence présidentielle, samedi 4 octobre, le jour des élections locales dans ce pays du Caucase en pleine crise politique.
Des dizaines de milliers de protestataires s’étaient rassemblés plus tôt dans le centre de la capitale, Tbilissi. Ils avaient ensuite marché vers le palais présidentiel dans lequel certains d’entre eux ont brièvement essayé d’entrer, sans succès, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse, tandis que des manifestants érigeaient des barricades et y mettaient le feu.
« Ils avaient annoncé le renversement de l’ordre constitutionnel et son remplacement par la violence et pris des mesures concrètes en ce sens. Toute personne impliquée dans cet acte de violence sera poursuivie », a mis en garde le premier ministre, Irakli Kobakhidzé, peu après ces débordements. Le ministère de l’intérieur a de son côté dit avoir ouvert une enquête sur « les appels à modifier par la violence l’ordre constitutionnel de la Géorgie ou à renverser l’autorité de l’État ».
Les législatives de 2024 contestées par l’opposition
Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, a dans le même temps obtenu plus de 80 % de voix, après dépouillement des bulletins dans 73 % des bureaux de vote, selon la Commission électorale centrale, dans l’ensemble des municipalités à l’issue des élections locales. Un scrutin d’ordinaire peu suivi mais qui a pris une importance considérable dans ce contexte.
Il s’agissait là du premier test électoral pour cette formation politique depuis les législatives d’octobre 2024 qu’elle avait officiellement remportées et dont le résultat est contesté par l’opposition. Cette dernière avait pour sa part appelé à protester face à un pouvoir accusé de dérive autoritaire et qui avait auparavant mis en garde contre toute velléité d’organiser une « révolution ».
Les élections locales de samedi ont été boycottées par plusieurs partis d’opposition, dont le mouvement national uni de l’ex-président emprisonné Mikheïl Saakachvili, qui avait exhorté ses partisans à manifester pour ce qu’il a qualifié de « dernière chance » de sauver la démocratie géorgienne. « Il y a des moments où il faut agir ici et maintenant », avait-il écrit jeudi sur Facebook.
Faute d’une démonstration de force face au pouvoir, « beaucoup plus de personnes seront arrêtées et les autres chassées. Le désespoir total s’installera et l’Occident finira par nous abandonner », avait insisté M. Saakachvili, qui purge une peine de 12 ans et demi de prison pour notamment abus de pouvoir.
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Les législatives de 2024 avaient plongé cette ancienne république soviétique du Caucase dans une crise politique. Ces élections avaient été suivies par des mois de manifestations de l’opposition, dont certaines avaient été réprimées par la police. Des actions de petite ampleur se poursuivaient depuis.
Processus d’adhésion à l’UE suspendu
Dirigeants de l’opposition, journalistes ou simples militants, une soixantaine de personnes ont été arrêtées en un an, selon les ONG de défense des droits humains. Au pouvoir depuis 2012, le Rêve géorgien s’est d’abord présenté comme une solution alternative libérale face à Mikheïl Saakachvili, un réformiste pro-européen qui a dirigé son pays pendant presque dix ans à partir de 2004 et s’est un temps exilé en Ukraine après sa chute.
Mais depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, ce parti est accusé de dérive autoritaire et de vouloir se rapprocher de Moscou. Il a pris des mesures anti-LGBT et adopté une loi sur les « agents de l’étranger » fustigées par l’Union européenne. Le processus d’adhésion de la Géorgie à l’UE a été suspendu.
Le Rêve géorgien assure promouvoir la « stabilité » tout en accusant l’opposition de vouloir prendre le pouvoir par la force et les Occidentaux de chercher à utiliser le pays pour ouvrir un deuxième front face à Moscou.
Dans un récent sondage, l’institut d’études et d’analyse sociales évalue la cote de popularité de ce parti à environ 36 %, l’opposition ayant les faveurs de 54 % des Géorgiens. Mais cette opposition est divisée. Si le parti de M. Saakachvili a boycotté les élections locales, d’autres formations comme Lelo et For Georgia ont apporté leur soutien à des candidats.