La mort de Mélanie Lemée, jeune gendarme de 25 ans tuée lors d’un contrôle routier dans le Lot-et-Garonne à l’été 2020, avait suscité une vive émotion. Le conducteur du véhicule qui l’a mortellement percutée, Yassine El Azizi, a été condamné, mardi 24 juin, à 30 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises d’Agen.

L’accusé de 31 ans était jugé depuis le 16 juin pour violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Durant tout son procès, il a nié avoir foncé délibérément sur la victime alors qu’il tentait de se soustraire aux forces de l’ordre.

Cette peine maximale est conforme aux réquisitions de l’avocat général, Pierre Sennes, qui n’a « reconnu aucune excuse » à l’accusé qui « a pris délibérément l’option de foncer sur la gendarme dans une extrême violence ». « Leurs regards se sont croisés », a-t-il déclaré.

« C’est un véritable scandale. C’est un verdict extrêmement lourd, hors-sol. On va en appel », s’est indigné, de son côté, l’avocat de l’accusé, Me Edouard Martial. « Il ne fallait surtout pas décevoir à la fois l’opinion publique et bien évidemment la gendarmerie. Ne pas faire l’effort humain, d’humanité vis-à-vis du verdict, ça me semble être proprement insupportable », a ajouté son conseil, qualifiant de « honteuse » la durée de « deux heures » du délibéré.

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« Pied au plancher »

Mélanie Lemée, ex-championne de France militaire de judo venait de réussir l’examen d’officier de police judiciaire. Après le drame, le tout nouveau ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, lui avait réservé son premier déplacement en région puis s’était incliné deux jours plus tard devant son cercueil près de Bordeaux avant de lui remettre la Légion d’honneur à titre posthume. Une marche blanche avait également rassemblé 2 000 personnes à Aiguillon, petite ville de 4 000 habitants où la jeune Normande travaillait au sein d’une brigade de proximité.

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Son unité dépendait de la gendarmerie voisine de Port-Sainte-Marie, là où elle a trouvé la mort le samedi 4 juillet 2020 au soir en participant à l’interception d’un véhicule roulant à vive allure.

Le conducteur, qui venait de refuser un contrôle routier, avait tenté vingt kilomètres plus loin de forcer un barrage de gendarmerie. Contournant des herses déployées sur la chaussée, il avait fait un écart brutal, percutant violemment la victime qui n’avait pas survécu à ses blessures. Il conduisait sans permis, sous l’emprise de stupéfiants, et à une vitesse excessive (plus de 150 km/h). Il avait dans son véhicule 165 grammes de cocaïne.

Citant les experts qui se sont succédé à la barre, l’avocat général a affirmé que « Yacine El Azizi avait une visibilité parfaite » et n’a eu « aucune action sur la pédale de frein », restant « pied au plancher », ce qui fait de lui « un tueur ».

Pas des faits criminels, selon la défense

Devant la cour, l’accusé a admis avoir pris « des risques inconsidérés » et « mériter la prison », tout en réfutant être « un meurtrier ». « Je vois le camion de gendarmerie, j’ai vu les herses au dernier moment et le collègue de la victime reculer mais elle, je ne l’ai pas vue », a-t-il déclaré au sujet de la victime, maintenant que sa « seule volonté était de fuir ».

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« On aurait bien souhaité qu’il ait une autre attitude, qu’il reconnaisse les choses et il a regardé ses pieds. Ses excuses, elles n’étaient pas du tout sincères », a estimé, de son côté, la mère de la victime, Danielle Letissier. « Pour l’ensemble des forces de l’ordre, police, gendarmerie, c’est une véritable reconnaissance des risques qui sont pris chaque jour par les forces de l’ordre pour assurer la sécurité de tous sur le terrain », a réagi le père de la victime, Christian Lemée.

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L’avocat des parents de la gendarme a décrit une « course à la mort en pleine conscience ». « La course-poursuite, c’est un délit, c’est grave, on est tous d’accord, mais ce n’est pas un crime », a rétorqué Me Victor Casellas, l’un des avocats de l’accusé, plaidant l’acquittement pour les faits criminels retenus contre lui.

La défense considérait que son client aurait dû être jugé pour homicide involontaire aggravé par un tribunal correctionnel, et non aux assises. Son appel de l’ordonnance de renvoi avait été rejeté par la chambre de l’instruction puis par la Cour de cassation.

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Le Monde avec AFP

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