C’est l’histoire d’un homme de 56 ans, souffrant d’alcoolisme, qui est adressé à un centre de traitement des brûlés pour une prise en charge de brûlures aux pieds. Il a marché pieds nus sur l’asphalte pendant une minute alors qu’il était en état d’ébriété. Cela s’est passé un jour où la ville de Seattle subissait les effets d’un dôme de chaleur, responsable d’une canicule durant laquelle les températures maximales de l’air ont atteint 42 °C, soit environ 21 °C au-dessus des moyennes historiques.

Marcher pieds nus sur l’asphalte brûlant.

Adressé aux urgences, ce patient ressent une douleur intense. Il présente des cloques ouvertes avec suintement et une rougeur (érythème) sur la plante des deux pieds, la face plantaire des orteils du pied droit et sur le talon du pied gauche. Une cloque intacte est également présente sur le talon droit. Le diagnostic est sans appel : brûlures du second degré causées par la chaussée brûlante.

Ce quinquagénaire a reçu un traitement analgésique, un nettoyage d’une plaie pour en retirer tous les tissus abîmés et nécrosés (débridement), un traitement antibiotique (bacitracine) et un pansement mousse antimicrobien. Lors d’une visite de suivi à 18 jours, ses brûlures avaient guéri sans complications.

Ce cas clinique est survenu lors de la canicule de juin-juillet 2021 dans l’Ouest de l’Amérique du Nord. Il a été rapporté dans l’hebdomadaire médical américain The New England Journal of Medicine en avril 2025.

Certains individus sont plus à risque de brûlures sur un sol brûlant

Les sujets les plus à risque de ce type de brûlure sont ceux qui restent allongés sur le troitoir (sans-abri), marchent pieds nus sur une chaussée brûlante, chutent accidentellement ou après une syncope, ou encore ceux qui s’effondrent sur le sol surchauffé lors d’une crise d’épilepsie ou après prise d’alcool ou de drogue. Parmi les autres facteurs de risque figure la neuropathie périphérique diabétique sévère, qui peut empêcher un patient de ressentir la brûlure en marchant sur un trottoir très chaud.

Les brûlures qui se produisent à la suite d’un contact avec un sol surchauffé entraînent une hospitalisation plus longue, un recours plus fréquent à la chirurgie et un coût plus élevé par surface brûlée, comparativement à des brûlures de taille équivalente causées par un liquide bouillant ou par une flamme.

Les brûlures de trottoirs sont plus profondes que ne le laisse supposer leur aspect initial et qu’elles continuent à s’aggraver pendant l’hospitalisation. Cette évolution est probablement liée à la pression prolongée exercée sur les plaies en position allongée, celles-ci se situant souvent sur des points d’appui.

Par ailleurs, des études ont mis en évidence qu’un état de conscience altéré, tel que celui observé lors d’un coup de chaleur, est associé à un moins bon pronostic chez les patients présentant ce type de brûlure, avec un risque accru de mortalité à 30 jours.

Les premières descriptions des « brûlures de la chaussée » (pavement burns, en anglais) remontent à 1970, tandis qu’une analyse détaillée de leur survenue date de 1995. À l’époque, ces observations cliniques avaient été rapportées par des équipes de centres de traitement des grands brûlés en Arizona. Depuis, ce type de brûlures a été signalé dans des régions et pays connus pour leurs climats chauds, comme l’Arizona et le Nouveau-Mexique, ainsi qu’en Israël.

À une température ambiante de 40°C, l’asphalte peut dépasser 66 °C

Une « brûlure de trottoir » est un type particulier de brûlure causé par un contact prolongé avec une surface exposée au soleil lors de fortes températures ambiantes. Ces surfaces peuvent être de l’asphalte, du béton, de la brique, du métal ou tout autre revêtement exposé en continu à la lumière directe du soleil. Dans des conditions désertiques, où le soleil brille presque sans interruption et où les températures estivales sont élevées, le sol peut atteindre une chaleur suffisante pour provoquer des brûlures de contact.

En 2022, des chirurgiens de la faculté de médecine de Las Vegas ont montré qu’à une température ambiante de 38 °C, l’asphalte peut atteindre 55 °C. À 40 °C, il peut dépasser 66 °C et être suffisamment chaud pour provoquer des brûlures du deuxième degré en moins de 35 secondes.

Ces médecins avaient précédemment rapporté que les admissions hospitalières pour des brûlures de trottoir augmentent lorsque la température ambiante dépasse 35 °C et croissent de façon exponentielle à mesure que la chaleur ambiante augmente.

Cette même équipe avait par ailleurs observé que les patients présentant une hyperthermie documentée au moment de leur admission avaient une mortalité hospitalière à 30 jours significativement plus élevée, un nombre accru de jours en soins intensifs, davantage d’interventions chirurgicales et un pourcentage de surface corporelle brûlée plus important. Ainsi, les patients hyperthermiques présentaient une mortalité hospitalière à 30 jours de 30 %, contre 1,3 % dans le groupe à température corporelle normale. La surface corporelle brûlée moyenne était de 10 % dans le groupe hyperthermique, contre 4,6 % dans le groupe à température normale.

Publiée en 2023 dans le Journal of Burn Care and Research, une étude menée par cette même équipe de Las Vegas a été conduite pour identifier les types de chaussées atteignant les températures les plus élevées dans un climat désertique chaud, mesurer la température maximale des surfaces couramment exposées au soleil avec lesquelles les patients peuvent entrer en contact, et déterminer le moment de la journée où le risque de brûlure est le plus élevé. Les relevés de température ont été enregistrés le 6 août 2020 à 14 h, lorsque la température ambiante était de 48,9 °C et l’irradiation solaire de 940 W/m², ce qui correspond à une intensité thermique et lumineuse très élevée, proche du maximum que l’on peut recevoir à midi par ciel parfaitement dégagé.

La température maximale enregistrée a été de 76,7 °C sur la roche poreuse, suivie de 74,4 °C sur l’asphalte, 66,7 °C sur la brique, 62,2 °C sur le béton, 62,2 °C sur le métal et 61,7 °C sur le sable. La température maximale sur tous les matériaux n’a été atteinte qu’après une durée d’exposition à la chaleur ambiante de 13 à 14 heures. Elle a été relevée en milieu d’après-midi : entre 13 h et 16 h pour le sable, la roche poreuse et le métal, et entre 14 h et 16 h pour l’asphalte, la brique et le béton.

À l’ombre, aucun de ces matériaux n’a atteint le seuil d’environ 43,3 °C, nécessaire pour provoquer une brûlure. Dans ce cas, les températures maximales étaient nettement plus basses, comprises entre 40,0 °C et 42,2 °C.

Paul Chestovich et ses collègues (Las Vegas) soulignent que « toutes les surfaces peuvent provoquer des brûlures au second ou au troisième degré (selon la durée de contact) en présence d’une température ambiante élevée ou d’un ensoleillement intense, mais c’est la combinaison des deux qui entraîne des températures de surface suffisamment élevées pour causer des brûlures de contact ».

Ces auteurs font remarquer qu’en fin de journée, la plus faible intensité solaire s’accompagne paradoxalement de températures de surface encore élevées, en raison de la capacité des matériaux à absorber et stocker la chaleur tout au long de la journée. « Dans un climat désertique, on peut constater ce phénomène en ressentant la chaleur qui se dégage du sol et des surfaces dures bien après le coucher du soleil. Les surfaces exposées au soleil ne retrouvaient pas leur température initiale avant 9 à 11 heures après le pic, ce qui signifie qu’un risque persiste longtemps après les heures les plus chaudes ».

Des cas de « brûlures de la chaussée » au Royaume-Uni

En 2023, des infirmières et infirmiers du Queen Elizabeth Hospital de Birmingham ont rapporté dans le British Paramedic Journal les premiers cas de brûlures de contact sur la chaussée signalés au Royaume-Uni. Les deux cas décrits sont survenus en zone urbaine le 19 juillet 2022, la journée la plus chaude jamais enregistrée au Royaume-Uni. Ce jour-là, la température maximale a dépassé 40 °C à plusieurs endroits du pays. Ces deux patients avaient des comorbidités importantes, susceptibles d’avoir contribué à la survenue d’un coup de chaleur et aux lésions cutanées qui ont suivi.

Le premier cas concerne un homme de 66 ans atteint de maladie de Parkinson, d’hypertension, de diabète de type 2 et ayant déjà subi un AVC. Il a été retrouvé inconscient alors qu’il était passager dans une voiture. Sur les conseils de l’opérateur du service d’urgence, ses proches l’ont placé en position latérale de sécurité (décubitus latéral droit) sur le revêtement en asphalte d’un parking. Le patient est resté au sol environ 15 minutes, jusqu’à l’arrivée de l’ambulance.

Ce contact prolongé avec un sol surchauffé en pleine canicule lui a provoqué des brûlures sur environ 5 % de la surface corporelle totale. Ce patient présentait des brûlures du deuxième degré au cuir chevelu occipital, au coude droit, au coude gauche et à la fesse droite, une brûlure du troisième degré de la jambe droite (1 %) et une brûlure dermique profonde du flanc droit (1 %).

Certaines brûlures étaient profondes et ont nécessité, près d’un mois plus tard, une greffe de peau. Une semaine après l’intervention, il a été observé une prise de greffe complète. La perte de connaissance a été attribuée à un coup de chaleur, aggravé par sa maladie de Parkinson.

Le deuxième cas est celui d’une femme de 58 ans victime d’un coup de chaleur près de chez elle et qui s’est effondrée sur la chaussée en pleine canicule. Les images d’une caméra de surveillance ont montré qu’elle y est restée environ 45 minutes avant l’arrivée des secours. Elle a présenté des brûlures des deux avant-bras, des deux mains et du genou gauche, représentant environ 2 % de sa surface corporelle totale. Les plaies ont été débridées et recouvertes de pansements gras durant son séjour à l’hôpital. Dix jours plus tard, elle a été réadmise pour une greffe de peau mince. Le contrôle, effectué quatre jours après l’intervention, a montré une prise de greffe complète.

Former les professionnels de santé au risque des brûlures de trottoirs

Les auteurs soulignent le besoin d’information, tant des professionnels de santé que du grand public, afin de prévenir les brûlures par contact avec un sol surchauffé. « Cela concerne en particulier les personnes pratiquant les premiers secours, qui peuvent être amenées à placer un patient en position latérale de sécurité sur un trottoir ou une chaussée. Nous suggérons que les équipes préhospitalières et les secouristes soient avertis du risque de brûlures par contact avec le sol en cas de forte chaleur et qu’ils prennent des précautions afin d’éviter tout contact direct de la peau avec ce type de surface. Cela peut passer, par exemple, par le placement du patient à l’ombre ou sur une surface protectrice », soulignent Emma Whiting et ses collègues de Birmingham.

Sensibiliser les parents de jeunes enfants

La sensibilisation concerne aussi les parents de jeunes enfants, qui peuvent les laisser jouer ou marcher pieds nus ou sans chaussures adaptées.

Publiée en 2021, une étude conduite par des médecins de la faculté de médecine de Las Vegas (Nevada) a recensé les cas de brûlures de trottoir survenus entre janvier 2014 et décembre 2019. La température ambiante maximale au moment des blessures était de 38,9 °C. Dans les trois quarts des cas, elle atteignait 37,2 °C. La majorité (80 %) survenait durant l’été (de juin à août).

Cette étude pédiatrique rétrospective a porté sur 45 jeunes patients. Deux tranches d’âge se distinguaient nettement : les enfants de 3 ans ou moins (89 % des cas) et les adolescents de 14 ans ou plus (11 %). La quasi-totalité (97 %) des brûlures plantaires bilatérales concernaient des enfants de 3 ans ou moins. Tous présentaient des brûlures du 2ᵉ degré. Un patient avait en outre une brûlure du 3ᵉ degré. La surface corporelle brûlée moyenne était de 2,5 %.

La principale cause était la marche pieds nus sur un trottoir surchauffé (69 %), suivie d’une chute sur le trottoir (13 %), d’une crise d’épilepsie (2 %) et d’autres causes (16 %). Les brûlures touchaient surtout la plante des deux pieds (65 %), les jambes (22 %), la paume des mains (4 %) et les bras (9 %).

Toutes les brûlures ont été traitées en ambulatoire et uniquement par soins locaux, sans recours à la chirurgie. Le délai moyen pour atteindre 95 % de cicatrisation était de 10 jours.

Il ressort de cette étude que les brûlures par contact avec le trottoir chez l’enfant sont beaucoup moins sévères que chez l’adulte. En outre, contrairement aux adultes dont les brûlures touchent diverses parties du corps, près des deux tiers des enfants ont été brûlés aux plantes des pieds.

Ces brûlures concernent surtout de très jeunes enfants marchant sans surveillance et sans chaussures adaptées sur le trottoir. Dès qu’ils ressentent la douleur, ils se dirigent rapidement vers une surface plus fraîche ou un proche les entend crier et leur porte secours. Ces circonstances diffèrent de celles rencontrées chez les adultes, souvent brûlés après une exposition prolongée sur un trottoir brûlant, en lien avec une neuropathie diabétique ou une incapacité physique à se relever.

Enfin, plusieurs études récentes indiquent que l’on peut s’attendre, au cours des prochaines années, à une augmentation du nombre de brûlures de contact avec un sol brûlant. « En raison du réchauffement climatique, nous prévoyons une augmentation de l’incidence des épisodes de chaleur extrême, et donc des brûlures de trottoir », concluaient il y a deux ans les auteurs de l’étude menée à Birmingham.

Pour en savoir plus :

Hess JJ. Pavement Burns. N Engl J Med. 2025 Apr 24 ;392(16) :e40. doi : 10.1056/NEJMicm2413012

Whiting E, Karia CT, Tullie S, et al. Climate change and pavement burns in the United Kingdom : a case report of two patients. Br Paramed J. 2023 Dec 1 ;8(3) :37-41. doi : 10.29045/14784726.2023.12.8.3.37

Chestovich PJ, Saroukhanoff RZ, Moujaes SF, et al. Temperature Profiles of Sunlight-Exposed Surfaces in a Desert Climate : Determining the Risk for Pavement Burns. J Burn Care Res. 2023 Mar 2 ;44(2) :438-445. doi : 10.1093/jbcr/irac136

Laarakker AS, Rich A, Wu E. Pavement Burns in New Mexico : Our Experiences, Treatments, and Outcomes. J Burn Care Res. 2022 Jan 5 ;43(1) :281-286. doi : 10.1093/jbcr/irab154

Saquib S, Carroll J, Flores C, Chestovich P. Management of Pediatric Pavement Burns. J Burn Care Res. 2021 Sep 30 ;42(5) :865-869. doi : 10.1093/jbcr/irab084

Eisenberg M, Chestovich P, Saquib SF. Pavement Burns Treated at a Desert Burn Center: Analysis of Mechanisms and Outcomes. J Burn Care Res. 2020 Sep 23 ;41(5) :951-955. doi : 10.1093/jbcr/iraa080

Kowal-Vern A, Matthews MR, Richey KN, et al. « Streets of Fire » revisited: contact burns. Burns Trauma. 2019 Oct 29 ;7 :32. doi : 10.1186/s41038-019-0169-9

Vega J, Chestovich P, Saquib S, Fraser D. A 5-Year Review of Pavement Burns From a Desert Burn Center. J Burn Care Res. 2019 Jun 21 ;40(4) :422-426. doi : 10.1093/jbcr/irz049

Silver AG, Dunford GM, Zamboni WA, Baynosa RC. Acute pavement burns : a unique subset of burn injuries : a five-year review of resource use and cost impact. J Burn Care Res. 2015 Jan-Feb ;36(1) :e7-e11. doi : 10.1097/BCR.0000000000000162

Sinha M, Salness R, Foster KN, et al. Accidental foot burns in children from contact with naturally heated surfaces during summer months : experience from a regional burn center. J Trauma. 2006 Oct ;61(4) :975-8. doi : 10.1097/01.ta.0000229810.36074.36

Harrington WZ, Strohschein BL, Reedy D, et al. Pavement temperature and burns : streets of fire. Ann Emerg Med. 1995 Nov ;26(5) :563-8. doi : 10.1016/s0196-0644(95)70005-6

Berens JJ. Thermal contact burns from streets and highways. JAMA. 1970 Dec 14 ;214(11) :2025-7. doi :10.1001/jama.1970.03180110035007

Réutiliser ce contenu
Share.
Exit mobile version