C’est un coup d’arrêt brutal dans la lutte que mène le Kenya contre le dopage. Son agence dédiée, l’ADAK, a déclaré, mardi 17 septembre, qu’elle n’avait reçu du gouvernement que 20 millions de shillings (près de 140 000 euros) pour financer ses programmes dans les mois à venir. Loin, très loin des 298 millions de shillings promis par Nairobi (un peu plus de 2 millions d’euros). Exsangue, l’ADAK fait les frais des coupes budgétaires massives décidées par le pouvoir après l’abandon d’un projet de loi fiscale qui a poussé des milliers de Kényans dans la rue en juin.

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« Nous ne sommes pas en mesure de remplir nos obligations, nous courons le risque de ne pas pouvoir respecter le code mondial antidopage, a alerté Daniel Makdwallo, le président de l’ADAK. Je demande instamment au Trésor national de reconsidérer ce déficit de financement et de rétablir le budget de l’agence afin de protéger les athlètes kényans. »

Le sport kényan et ses coureurs de fond et demi-fond, qui trustent les podiums et les records internationaux depuis plusieurs années, risquent désormais le bannissement pur et simple des compétitions mondiales.

Le pays d’Afrique de l’Est semblait pourtant sur la voie de la rédemption après une série de scandales qui lui avait valu d’être déclaré non conforme par l’Agence mondiale antidopage (AMA), quelques semaines avant les Jeux de Rio en 2016. Les sportifs du pays avaient finalement pu se rendre au Brésil, grâce à la création in extremis de l’ADAK, juste avant le rendez-vous olympique.

Des dizaines d’agents de contrôle recrutés

Début janvier 2023, le président de World Athletics, Sebastian Coe, prévenait toutefois que le « chemin » du Kenya contre le dopage serait « long ». « Il ne faut pas se leurrer, cela ne sera pas réglé du jour au lendemain », soulignait-il alors, après la suspension de dizaines de coureurs kényans contrôlés positifs en 2022.

Là encore, le pays, sous surveillance étroite de l’AMA et de la fédération internationale d’athlétisme, avait échappé de peu aux sanctions. Au prix d’investissements massifs. « Le Kenya ne ménagera aucun effort dans la lutte contre le dopage (…), pour protéger l’intégrité de l’athlétisme », assurait au côté du Britannique le président kényan William Ruto. Trois mois plus tard, Nairobi promettait de dépenser 25 millions de dollars (23 millions d’euros) sur cinq ans. Depuis, des dizaines d’agents de contrôle ont été recrutés, le nombre de tests a été sensiblement augmenté (plus de 2 000 prélèvements effectués en 2023), les programmes de prévention et d’éducation auprès des sportifs ont été renforcés.

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Les efforts du pays pour assainir le sport ont porté leurs fruits : de grands noms du fond et du demi-fond kényans sont tombés les uns après les autres ces dernières années, souvent condamnés à de lourdes sanctions.

En juin, soit quelques semaines avant les Jeux olympiques de Paris, l’ADAK a infligé sa première suspension à vie à la marathonienne Beatrice Toroitich et une suspension de six ans au recordman du 10 km sur route chez les hommes, Rhonex Kipruto. Ces deux noms s’ajoutent à la liste d’une grosse vingtaine d’athlètes pris en faute depuis le début de l’année – une centaine sont actuellement sous le coup d’une mesure de l’Athletics Integrity Unit, l’organe chargé de la lutte antidopage dans l’athlétisme.

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Le Kenya, deuxième puissance de l’athlétisme aux Jeux olympiques de Paris – à l’origine de ses onze médailles, dont quatre titres –, se serait bien passé de l’impasse budgétaire dressée par Nairobi sur le chemin de sa réhabilitation contre le dopage. A la place, le poison du doute n’a pas fini d’accompagner chacune des performances des athlètes des hauts plateaux du Rift.

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