« Tote » 3/3 (1988), de Gerhard Richter.

Le 18 octobre 1977, les derniers membres fondateurs de la Fraction armée rouge sont retrouvés « suicidés » dans leur prison de Stammheim, en Allemagne. Organisation d’extrême gauche, la Rote Armee Fraktion (RAF) multipliait attentats, crimes et enlèvements depuis sa création en 1970. Meurtres maquillés ou suicides avérés ? Autant que leurs exactions, la disparition de ces activistes tombés dans le terrorisme déchire le pays.

Entre mars et novembre 1988, Gerhard Richter s’empare du souvenir de ces années de plomb. Il a 56 ans quand il peint sa série « 18 octobre 1977 ». Constituée de quinze tableaux, elle est dévoilée l’année suivante, à Krefeld (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Une déflagration, dont les répliques se prolongent durant des années dans l’opinion publique allemande.

Cette série est unique dans le corpus de Richter : il s’y attaque à un sujet de l’histoire récente, et rompt brutalement avec la couleur qu’il explore alors dans des paysages, portraits et natures mortes, pour revenir à son style des années 1960, basé sur une réinterprétation de photographies en noir et blanc. Ses motivations à évoquer ceux qu’on appelait la « bande à Baader » ? Jamais il ne les a révélées. Elles relèvent « plus ou moins d’un processus inconscient », s’est-il contenté de suggérer. A l’époque, un profond désarroi s’était emparé de lui. « L’art est misérable, cynique, stupide, impuissant, un miroir de notre appauvrissement spirituel, de notre état d’abandon. Nous avons perdu les grandes idées, les utopies, nous avons perdu toute foi, tout ce qui crée sens », écrit-il dans son journal en janvier 1988.

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