Dans la grande liste des vêtements susceptibles, à tort ou à raison, de diviser l’opinion, aux côtés des fourrures trop animales, des crop tops trop crop ou encore des uniformes scolaires trop réacs, il faut désormais, de toute évidence, citer les vestes de travail. Sur fond de lutte des classes, celles-ci génèrent en effet désormais un débat en appropriation sociale.

Originellement pensées pour les ouvriers, artisans et agriculteurs, les ancestrales vestes de travail ont en effet muté ces dernières années pour devenir un incontournable des garde-robes masculine et féminine. Qu’elles soient d’inspiration française (selon la matière et la couleur, on parlera de bleu de travail, de coltin, de moleskine…) ou américaine (on parlera alors de chore ou de barn jacket), elles se sont peu à peu imposées comme l’uniforme du peuple de l’open space et du MacBook.

Autrefois exclusivement portées dans l’exercice de métiers manuels éreintants, elles s’épanouissent aujourd’hui dans un environnement feutré où le vidage du marc de la machine à café fait office d’épreuve physique ultime. Autant dire que l’habit en question, réputé pour la robustesse de sa matière et la solidité de sa construction, ne risque guère de céder aux entournures sous l’effet des gestes mécaniquement répétés.

Patrimoine vestimentaire populaire

Que penser de ce reclassement ? Tout d’abord, qu’il illustre évidemment la mutation du monde du travail en France et sa tertiarisation profonde. Ensuite, qu’il est d’un classicisme absolu. De fait, le jean était lui aussi à l’origine un vêtement de travail. Le sweat-shirt également. Le bob idem. La casquette pareil. La chemise en flanelle aussi. Le trench-coat était lui un vêtement militaire. Comme la parka. Ou le pantalon chino. Et le caban était un vêtement de marin, tout comme la marinière.

Au-delà du cynisme évident de quelques marques de luxe décomplexées qui facturent des vestes de travail à prix d’or, il convient de se réjouir que les vêtements s’imposant durablement dans les usages soient des objets utiles et fonctionnels, valorisant un patrimoine vestimentaire populaire et faisant encore fonctionner quelques manufactures locales spécialisées. En l’occurrence, en France, des ouvriers continuent de fabriquer des vestes de travail de qualité. Le plus réjouissant ? Que, pour ce faire, eux aussi en soient vêtus.

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