Comme beaucoup de retraités de droite, Jean-François Mancel, 76 ans, hésite : doit-il construire son petit barrage personnel en votant Rassemblement national (RN), les 30 juin et 7 juillet, lors des élections législatives, afin d’empêcher la gauche de gagner ? « Plus j’entends les déclarations venant du soi-disant Front populaire, plus je me demande si je ne vais pas aller voter Rassemblement national dès le premier tour ; Les Républicains [LR] n’ont aucune chance de l’emporter ni même de compter », calcule-t-il. D’autant que le député RN sortant de sa circonscription – la deuxième de l’Oise –, Philippe Ballard, ex-journaliste au verbe lissé par des heures d’antenne sur la chaîne d’information LCI, lui fait figure de « garçon sympathique ». Alors, pourquoi ne pas céder à la transgression ?

Ce n’est pas la première fois que l’idée chatouille le septuagénaire. Il y a un quart de siècle, Jean-François Mancel, alors dirigeant du RPR, l’ancêtre de LR, avait même suggéré d’unir droite et extrême droite. Le Front national (FN) de Jean-Marie Le Pen, défendait-il dans une déclaration retentissante au Monde, le 17 mars 1998, devait devenir selon lui « une partie de la droite de demain ».

« A partir du moment où cette stratégie de guerre avec le FN a été un échec total, il faudrait être cinglé pour la poursuivre », estimait celui qui était encore, quelques mois plus tôt, secrétaire général du parti présidentiel. Jacques Chirac, alors à l’Elysée, l’exclura dès le lendemain du RPR : on ne transige pas avec les valeurs du gaullisme en s’alliant à une formation aux racines pétainistes.

La ligne officielle, refuser le pacte

Au bout du fil, Jean-François Mancel trompette : « J’avais raison ! » La décision d’Eric Ciotti de fondre Les Républicains dans une coalition avec le RN, bien qu’unilatérale et non suivie par l’immense majorité des cadres du parti, validerait ses positions de l’époque. « Vingt-six ans trop tard », déplore-t-il. La frange ciottiste, en effet, ne pèse que soixante-deux candidats sur les cinq cent soixante-dix-sept présentés par Jordan Bardella et Marine Le Pen.

« Si on m’avait écouté, nous n’en serions pas là aujourd’hui, estime Jean-François Mancel. Nous aurions élargi le RPR et serions sans doute encore au pouvoir. Nous étions les plus forts, plus que le FN, et c’est quand on est fort qu’il faut s’allier. » La ligne officielle, à droite, a toujours été de refuser le pacte avec le diable. C’est en tout cas ce qu’elle n’a cessé d’afficher sur sa vitrine ces quarante dernières années. Dans l’arrière-­boutique, pourtant, la réalité s’est souvent écrite différemment, entre flirts idéologiques et mariages électoraux célébrés en douce.

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