Lors d’une manifestation appelant le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à opposer son veto à une loi adoptée par le Parlement qui réduit les pouvoirs d’instances anticorruption. A Kiev, le 22 juillet 2025.

Dans une rare manifestation depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue à Kiev, mardi 22 juillet, pour protester contre une loi controversée qui supprime l’indépendance des agences anticorruption. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a néanmoins promulgué le texte dans la soirée. L’initiative a été qualifiée de « sérieux recul » par l’Union européenne (UE), qui s’est dite « profondément préoccupée ».

Lire aussi | En direct, guerre en Ukraine : manifestation à Kiev contre le vote d’une loi privant les instances anticorruption de leur indépendance

L’adoption de la loi par les députés ukrainiens, au lendemain de l’arrestation contestée d’un responsable travaillant dans l’une de ces structures, a suscité les critiques de militants et d’ONG en Ukraine qui s’inquiètent d’un recul démocratique dans le pays, en pleine guerre contre la Russie.

La Commission européenne, par la voix de la commissaire chargée de l’élargissement de l’UE, Marta Kos, a rappelé que le respect de « l’Etat de droit reste au cœur des négociations d’adhésion » de l’Ukraine. Quelques heures avant le vote de la loi, un porte-parole des Vingt-Sept, Guillaume Mercier, avait souligné que ces deux instances étaient « essentielles au programme de réforme » que le gouvernement ukrainien s’est engagé à mener pour pouvoir adhérer à l’UE.

La corruption est un mal endémique en Ukraine depuis de nombreuses années mais le pays avait fait des progrès en créant notamment, respectivement en 2014 et en 2015, le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU), une instance d’enquête, et le SAP, un parquet spécialisé dans ces affaires.

Des instances placées sous la tutelle du président

Mardi, le Parlement ukrainien a voté à 263 voix pour, 13 contre et 13 abstentions, pour subordonner les activités de ces deux structures au procureur général, lui-même sous la tutelle du président. Une mesure qui supprime de fait leur indépendance.

En visite en Ukraine, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, avait affirmé à son homologue ukrainien, Andrii Sybiha, qu’il était encore temps d’agir concernant cette loi avant qu’il ne soit trop tard, avait rapporté, mardi, une source diplomatique à l’Agence France-Presse (AFP).

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Ukraine : nouvelle cheffe du gouvernement, Ioulia Svyrydenko prend les rênes d’un exécutif resserré, composé de fidèles de Zelensky

« Aujourd’hui, avec les votes de 263 députés, l’infrastructure anticorruption a été détruite », a regretté, lors d’une conférence de presse, le directeur du NABU, Semion Kryvonos, avertissant que la loi permettra qu’existent « des personnes intouchables » en Ukraine. Le texte « détruit effectivement l’indépendance de ces deux institutions vis-à-vis de toute influence politique et pression sur nos enquêtes », a abondé le chef du SAP, Oleksandr Klymenko.

Selon le député Roman Lozinsky, ce texte accorde au procureur général le pouvoir de gérer le SAP, de donner des « instructions écrites obligatoires » au NABU et d’avoir accès aux détails de n’importe quelle affaire et de les déléguer au procureur de son choix ou à d’autres agences. Anastassia Radina, à la tête du comité anticorruption du Parlement ukrainien, a dénoncé auprès de l’AFP un texte qui « va à l’encontre de (…) nos obligations dans le cadre du processus d’intégration à l’UE ».

Une arrestation controversée

Mardi soir, dans son message quotidien, le président ukrainien a balayé les critiques, assurant que les instances anticorruption allaient « continuer à faire leur travail ». « Mais en les débarrassant de l’influence russe – tout doit être purgé de cela. Et il doit y avoir plus de justice », a martelé Volodymyr Zelensky.

Le Monde Mémorable

Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »

Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »

Découvrir

Lundi, les services de sécurité ukrainiens (SBU) avaient annoncé l’arrestation d’un responsable du NABU soupçonné d’espionnage au profit de Moscou, et ont perquisitionné les locaux de l’organisation, qui rejette ces accusations. Cette arrestation a notamment été dénoncée par la branche ukrainienne de l’ONG anticorruption Transparency International, selon laquelle ces perquisitions sont illégales et « visent à obtenir de force des informations et à influencer les enquêtes menées sur des hauts responsables ». Elle a fait état dans un communiqué d’une « pression systématique » des autorités à l’encontre des structures anticorruption en Ukraine.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Ukraine, la présidence accusée de cibler les opposants par des procès ou des sanctions

Avant le vote de mardi, les militants ukrainiens s’étaient déjà inquiétés des récentes poursuites judiciaires visant Vitali Chabounine, directeur d’une des principales ONG de lutte contre la corruption.

Selon des médias ukrainiens, ces mesures interviennent alors que le NABU et le SAP s’apprêtaient à inculper l’ex-ministre de l’unité nationale Oleksi Tchernychov et alors que les deux instances enquêtaient sur l’ex-ministre de la justice Olga Stefanishyna.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés De nouveaux cimetières militaires en projet dans toute l’Ukraine

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu
Share.
Exit mobile version