Ce qui compte, c’est d’arriver le premier. Le patron d’Ivan, employé d’une compagnie de pompes funèbres en Ukraine, le répète en permanence à ses équipes : quand une personne meurt, il faut être sur place avant la concurrence. « On chasse les corps, explique sans fard cet Ukrainien de 39 ans, attablé dans un café d’Odessa et qui accepte de témoigner sous un nom d’emprunt. C’est comme les animaux dans la jungle. Le lion aura la meilleure part, les hyènes devront se satisfaire du reste. »

Ivan travaille depuis seize ans pour l’entreprise ukrainienne Anubis, l’une des leaders du marché, dont le siège est à Odessa mais qui intervient dans tout le pays. Lorsqu’un bombardement survient, il accourt aussitôt sur les lieux pour proposer ses services aux familles endeuillées : « Je leur donne ma carte et je leur dis que je peux les aider si elles le souhaitent. » Il arrive que des agents de différentes compagnies funéraires, arrivés sur place en même temps, s’empoignent. « Certains nous dénigrent devant les gens, en disant qu’on est trop chers, et proposent la même chose à prix cassé. Mais on reste leader à Odessa », s’enorgueillit Ivan, barbe et sweat à capuche noir.

La concurrence est féroce. « [Pour arriver les premiers,] on a des accords informels avec la police, les hôpitaux et les morgues, qui nous préviennent en priorité quand un décès survient, en échange d’une rétribution financière, poursuit l’employé. Toutes les compagnies font ça, sinon comme survivraient-elles ? » « Ce n’est pas de la corruption, ça s’appelle acheter de l’information, assure-t-il, sourire en coin. C’est un marché chaotique où chacun attrape ce qu’il peut. Si je n’approuve pas ces méthodes, mon assiette sera vide. Le business des pompes funèbres, c’est comme la prostitution, le trafic de drogue et les jeux d’argent, mais personne n’en parlera ouvertement. » Contactée par Le Monde, son entreprise, Anubis, n’a pas donné suite.

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