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Il est 7 heures du matin, l’air est encore frais, des dizaines de civils patientent déjà devant le centre de recrutement de l’armée. Les gardes ouvrent les lourdes portes sur des grappes d’hommes et de femmes au visage fermé, souvent des mères avec leurs enfants, qu’elles traînent par le bras. Certaines ont le visage déchiré par les sanglots. « On l’appelle la place des larmes », souffle Iouri Nesterenko, un ancien soldat de première ligne de 49 ans, réaffecté, depuis une blessure, au sein de ce centre de recrutement de la périphérie de Kiev. Depuis plusieurs mois, la cadence d’enrôlement de nouveaux soldats s’est accrue.

Tous ont répondu à l’appel de leurs proches, arrêtés la veille par des agents recruteurs alors qu’ils vaquaient à leurs occupations dans la ville de Kiev. Derrière les murs du grand complexe, ils sont, mardi 24 septembre, une centaine à attendre de voir leurs familles une dernière fois avant le départ.

Parmi eux, Oleg, 25 ans, un double diplômé en ingénierie. Le jeune homme a été arrêté alors qu’il se trouvait dans le métro. Ses documents militaires n’ayant pas été mis à jour, les recruteurs l’ont emmené. « Il était heureux de nous voir », assure Volodymyr Valovyi, 21 ans, qui a fait le déplacement avec une partie de la famille pour voir son cousin. « Il était inquiet de ne pas pouvoir voir ses proches avant de partir », souffle encore l’étudiant, prévenu par un texto.

La famille lui avait préparé quelques affaires : « Des médicaments, des vêtements, des serviettes, des sous-vêtements », énumère un autre cousin, Nazar Zakordonets, 21 ans. « On aurait aimé qu’il ait plus du temps avec la famille avant de partir », se désole Daria, la sœur d’Oleg, dont le père combat depuis le début de la guerre du Donbass, en 2014.

« Busification »

« C’était inattendu, reprend Volodymyr, Oleg ne voulait pas servir. » Salarié dans une grande usine de la ville, il espérait éviter la mobilisation en raison de son rôle crucial dans l’entreprise. « Mais ça n’a pas fonctionné… » Dans quelques heures, Oleg partira, avec les dizaines d’autres hommes arrêtés la veille, dans un des centres d’entraînement du pays. Ces enrôlements en plein jour dans les rues des villes et des villages portent un nom en Ukraine : la « busification », une mobilisation après avoir été arrêté et emmené dans un bus. « Il faut bien que l’Etat mobilise des hommes », souffle Volodymyr Valovyi devant le centre de recrutement. « Mais ce serait mieux autrement », ajoute-t-il.

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Ce rythme s’est accéléré après le passage, vécu comme très douloureux au sein de la société, de plusieurs paquets de lois visant à améliorer la mobilisation. En avril, l’âge légal pour être mobilisé est ainsi passé de 27 à 25 ans, les hommes précédemment considérés comme ayant une « aptitude limitée » pour servir ont été appelés à repasser devant des commissions médicales. En mai, le Parlement du pays a aussi voté une loi allouant un délai de soixante jours aux conscrits âgés de 18 à 60 ans pour enregistrer leurs documents militaires afin de fluidifier les procédures. Les réfractaires risquent des amendes allant jusqu’à des centaines d’euros, ou de se voir retirer leur permis de conduire. A la mi-juillet, le ministère de la défense annonçait que 4,7 millions d’Ukrainiens avaient mis leurs données à jour.

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