La bannière de la Victoire semble narguer les barbelés qui s’étirent à perte de vue. Le drapeau soviétique rouge à la faucille et au marteau, réplique exacte de celui qui fut hissé, le 1er mai 1945, sur le palais du Reichstag, à Berlin, flotte, en cette fin du mois de mai, à l’intersection des trois frontières qui séparent l’oblast de Kaliningrad, la Pologne et la Lituanie. A cet endroit précis, au croisement de l’Etat russe et de deux pays membres de l’OTAN, commence le corridor de Suwalki.

Considérée comme un lieu ultrasensible en cas de conflit généralisé entre Moscou et les capitales européennes, cette bande de terre de 65 kilomètres de long épousant la ligne de démarcation entre la Lituanie, au nord, et la Pologne, au sud, est enserrée aux deux extrémités par l’exclave russe de Kaliningrad, à l’ouest, et la Biélorussie, à l’est. Il suffirait que la Russie et son alliée s’en emparent pour que l’accès terrestre aux pays baltes soit coupé. Un scénario redouté depuis que Vladimir Poutine a lancé ses troupes à l’assaut de la Crimée et du Donbass, en 2014, puis de toute l’Ukraine, en 2022. Un endroit singulier qui a pris des allures « d’avant-guerre », selon l’expression formulée, en mars 2024, par le premier ministre polonais, Donald Tusk.

« C’est l’une des zones les plus exposées au risque [de conflit] en Europe, acquiesce Marek Swierczynski, expert des questions de sécurité au centre d’analyse Polityka Insight, à Varsovie. Bien sûr, l’OTAN dispose aussi d’une position militaire sur le territoire des Etats baltes [membres de l’Alliance depuis 2004], mais sans renforts venant du corridor de Suwalki, les défendre deviendrait probablement impossible. »

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