Le président ivoirien, Alassane Ouattara, salue ses partisans lors de son dernier meeting électoral avant l’élection, sur la place de la République, à Abidjan, le  23 octobre 2025.

Jamais il n’a été aussi facile pour le président ivoirien, Alassane Ouattara, de remporter un scrutin. Au cours d’une élection sans aucun suspense, ce dernier s’est octroyé à 83 ans un quatrième mandat dès le premier tour, avec plus de 89 % des voix, selon les résultats annoncés par la commission électorale le 27 octobre. Un score écrasant, qui cache mal l’inquiétant état de délabrement dans lequel se trouve la démocratie ivoirienne.

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Bien sûr, on ne peut que se féliciter du calme relatif qui a entouré l’élection, dans un pays encore traumatisé par le scrutin contesté de 2010, à l’origine d’une guerre civile qui avait fait au moins 3 000 morts. Les violences ont été circonscrites, et, si une dizaine de personnes ont été tuées, ce chiffre reste bien inférieur à celui de l’élection précédente, en 2020, lors de laquelle environ 85 personnes avaient péri.

Mais les Ivoiriens n’ont pas été dupes de l’ersatz de vote qui leur a été proposé. La moitié d’entre eux ont préféré vaquer à leurs occupations. Dans certains départements du Sud − alors qu’Alassane Ouattara est originaire du Nord −, moins du tiers de la population s’est rendu aux urnes. Si, le jour de l’élection, les apparences ont été préservées, il était clair que tout était joué d’avance.

Depuis des années, le pouvoir verrouille le système politique avec application. Alassane Ouattara a ainsi modifié la Constitution, en 2016, pour supprimer l’interdiction d’exercer plus de deux mandats présidentiels. Il assure en privé qu’il aurait aimé livrer cette année un véritable combat, mais il n’a rien fait pour que ses deux principaux opposants, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, déclarés inéligibles, puissent se présenter. Face à lui, il ne restait donc sur les bulletins de vote que des candidats sans aucun poids.

Jamais le président Alassane Ouattara n’a été aussi fort, mais jamais sa politique n’a été aussi intransigeante. Ces dernières semaines ont été marquées par des centaines d’arrestations lors de manifestations. Plusieurs dizaines de personnes ont été jugées coupables d’actes assimilés à du « terrorisme » et envoyées en prison.

Bienveillance de la communauté internationale

Le chef de l’Etat n’est pas le seul responsable de la situation de décrépitude dans laquelle se trouve la démocratie ivoirienne. Les chefs des deux principaux partis d’opposition auraient pu se montrer moins orgueilleux et présenter d’autres candidats qu’eux-mêmes pour permettre à leurs formations de participer au scrutin. Ils auraient pu concevoir de véritables programmes politiques plutôt que de jouer sur les haines et les relents ethniques.

La déception est cependant d’autant plus grande, concernant Alassane Ouattara, qu’il représentait un espoir inédit lors de son accession au pouvoir, en 2011. Cet économiste de haut vol, qui avait longtemps subi la xénophobie et l’exclusion politique, promettait une nouvelle ère. Certes, il continue de bénéficier de la bienveillance de la communauté internationale, dont il est le dernier véritable allié dans une région menacée par le djihadisme et dont plusieurs pays sont dirigés par des putschistes.

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Le président ivoirien a réussi à développer l’économie, rebâti le pays. Mais il a usé en politique des mêmes stratagèmes d’autocrate que ses prédécesseurs, ne laissant aucune place à l’alternance, et se refusant à désigner un successeur, ce qui entretient la frustration d’une population jeune, majoritairement pauvre, et qui vit dans la précarité. Alassane Ouattara a désormais un nouveau mandat pour proposer un autre héritage.

Le Monde

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