Voilà trois nuits que les habitants d’Al-Funduq n’ont pas fermé l’œil. Trois nuits à monter la garde, derrière leurs portes closes. Trois nuits à se demander quand « ils » reviendront. Car les résidents de ce bourg du gouvernorat de Kalkiliya, dans le nord de la Cisjordanie, n’en doutent pas : la horde d’extrémistes juifs qui a déboulé aux abords de leur village, le 20 janvier vers 21 h 30, va forcément ressurgir un jour ou l’autre. Ce soir-là, au moment où le président Trump s’apprêtait à abolir les sanctions prises par l’administration précédente contre les colons israéliens coupables de violences, une cinquantaine d’hommes cagoulés sont arrivés en convoi, sous les yeux de l’armée israélienne postée non loin. Repoussés par les villageois, qui avaient stocké des cailloux sur les toits plats de leurs maisons, les assaillants s’en sont pris aux installations des artisans situées à l’entrée de l’agglomération, sur le territoire de la commune mitoyenne de Jinsafut.

A coups de pierres et de cocktails incendiaires, ils ont détruit une voiture stationnée dans la rue, pillé un commerce, ravagé trois entreprises et tenté de débusquer le gardien d’une société de BTP, qui a eu le temps de s’enfuir. Proférant des insultes en direction des Palestiniens, les assaillants se sont repliés vers 1 heure du matin, après que deux des leurs ont été blessés par les tirs d’un policier israélien. Dans cette Cisjordanie hachée menu par les découpages politico-administratifs hérités des accords de paix d’Oslo, Al-Funduq se trouve en zone C, autrement dit dans un secteur où l’Autorité palestinienne (AP) n’exerce aucun pouvoir, ni civil ni sécuritaire. Ce sont donc les forces de police israélienne qui se sont déplacées, « au bout d’une heure seulement », observe Luay Tayim, le maire du village, qui a sonné à toutes les portes avant d’obtenir de l’aide.

Cet ingénieur canado-palestinien s’emploie aujourd’hui à faire visiter le paysage dévasté que les agresseurs ont laissé derrière eux. Ici, une pièce envahie d’éclats de verre, où gît encore la grosse pierre qui a brisé toutes les vitres. Là, des pots éventrés vomissant des torrents de peinture humide sur le bitume. Et dehors, devant l’entreprise de construction, un camion et une pelleteuse complètement calcinés. Un peu plus loin, une odeur d’engrais brûlé monte de la jardinerie en grande partie incendiée, comme la poterie voisine. Plus de toit, plus de murs, seuls demeurent les plantes et les pots exposés en plein air, qui ont échappé au saccage.

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