« Est-ce grâce à ces quelques centimètres que vous pensez devenir riches ? », s’offusquait l’une des premières contributrices au mouvement, dans une vidéo publiée le 3 novembre. Comme plusieurs autres consommatrices, cette femme s’étonnait de la faible longueur des serviettes hygiéniques qu’elle venait d’acheter. Sur Xiaohongshu, (« petit livre rouge »), un des réseaux sociaux les plus populaires de Chine, et qui se caractérise par sa forte proportion de lectorat féminin, elle et un nombre croissant de femmes allaient mener l’enquête, mesurant toutes les serviettes hygiéniques de toutes les marques.

Conclusion : la plupart des serviettes sur le marché chinois sont plus petites que la taille promise sur l’emballage. L’investigation citoyenne devait aussi révéler que l’épaisseur des couches d’absorbant est inférieure aux critères annoncés, et que le pH de beaucoup de serviettes correspond à des niveaux acceptables pour du linge de maison, mais certainement pas pour de l’hygiène intime.

La colère des consommatrices a été renforcée par l’arrogance avec laquelle les fabricants ont, dans un premier temps, accueilli leurs requêtes. Un responsable de la communication du groupe ABC, l’un des leaders du marché, a d’abord expliqué à l’une d’elles qu’une marge d’erreur est normale : « Si ça ne vous convient pas, n’achetez pas. » Elles ont dénoncé une « shrinkflation » (du verbe anglais shrink, qui signifie « rétrécir ») particulièrement pernicieuse sur un produit de première nécessité, et ont demandé pourquoi elles n’étaient pas entendues.

La forme d’expression citoyenne que représente l’acte de consommation dans un pays où la parole publique est restreinte est connue de longue date. Les marques étrangères font régulièrement les frais de la ferveur nationaliste des clients chinois, ainsi de H&M et Nike, menacés en 2021 de boycott pour s’être engagés à ne plus utiliser de coton de la région du Xinjiang, où la minorité ouïgoure subit une politique de répression et d’internement massif. Et les scandales sanitaires sont réguliers dans le pays, depuis celui du lait contaminé à la mélamine en 2008 jusqu’à celui de l’huile alimentaire transportée dans des camions-citernes emportant du fioul sur le chemin du retour, apparu en juillet.

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« Nous sommes trop désunies »

Mais l’expression de colère en ligne sur les serviettes hygiéniques a pris un tour très politique, dans un pays où l’émergence d’un mouvement féministe a été perçue comme une menace par les autorités. Pour la première fois depuis un quart de siècle, le comité central du Parti communiste chinois désigné en octobre 2022 ne compte aucune femme parmi ses 24 membres.

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