« Brûle tout ! » En 2017, pendant sa première campagne présidentielle, entre deux meetings et rendez-vous, Emmanuel Macron tendait parfois à son garde du corps des chemises cartonnées et, pour celles de couleur rouge, lui intimait de faire disparaître leur contenu. Alexandre Benalla, qui veille alors sur la sécurité du candidat, s’en souvient bien : il jetait lui-même les feuilles de papier dans un fût en métal, au sous-sol du QG de campagne, rue de l’Abbé-Groult, dans le 15e arrondissement de Paris, et y mettait le feu. Parfois, un brasero improvisé était allumé au bord de la route, sur le chemin d’un aéroport où le futur président décollait pour rejoindre une réunion publique. A l’intérieur, des notes, des idées griffonnées, des documents de campagne variés… Emmanuel Macron n’était pas encore élu que déjà le secret était une obsession.

« Hypercloisonné », « superparano », « énigmatique »… Voilà comment ses très proches collaborateurs décrivent aujourd’hui le président de la République. C’est le lot des chefs d’Etat. Mais la méfiance et la précaution sont des réflexes qu’Emmanuel Macron a appris très tôt. Une partie de son adolescence et de sa vingtaine s’est en effet déroulée dans une forme de clandestinité. « Quinze ans (…) à être largement incompris », a-t-il confié à la journaliste au Figaro Anne Fulda dans Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait (Plon, 2017), le livre qu’elle lui a consacré. Parce que Brigitte Trogneux était de vingt-quatre ans son aînée, il a passé des années à cacher aux autres leur histoire d’amour. « Emmanuel a besoin de tout le monde et de personne, a résumé un jour Brigitte Macron devant la biographe de son époux. On ne rentre jamais dans son périmètre. » D’Amiens, le président a gardé une certaine habitude de la solitude et du cloisonnement.

Emmanuel Macron fonctionne en silos. Avec les « boucles » de messagerie téléphonique, lui seul sait à qui il parle, la nuit, puisque cet insomniaque travaille souvent jusqu’à 2 heures du matin, témoigne son compte Telegram. « Il faut cogiter », « tu vois comment les choses ? », écrit-il sur WhatsApp à ses petites communautés d’anciens ministres, amis, élus, préfets, maires rencontrés en déplacement, ou, en pleine pandémie de Covid-19, de médecins, dans des messages dont Le Monde a eu connaissance. Mais aussi des « Tu me manques », « Je suis fier de toi », « Tu m’as fait de la peine », « La famille, c’est vous », ou, avant les ruptures politiques, « Nos routes se séparent ». Lui d’ordinaire si impénétrable se montre parfois imprudent dans ses messages écrits (sollicité à plusieurs reprises au cours des dernières semaines par l’intermédiaire des services de l’Elysée mais aussi par courrier personnel, Emmanuel Macron n’a pas donné suite).

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