L’un est économiste, expert de l’économie publique et de la fiscalité, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; l’autre est historienne, spécialiste de l’Inde coloniale et contemporaine. Tous deux enseignent sur le campus de Marseille de l’EHESS. Alain Trannoy et Arundhati Virmani ont dirigé Economistes et historiens. Un dialogue de sourds ? (Odile Jacob, 304 pages, 25,90 euros, à paraître le 29 janvier) pour démontrer que les deux disciplines peuvent se compléter et que le mur d’incompréhension qui les sépare doit tomber.

Pourquoi économistes et historiens ne travaillent-ils pas davantage main dans la main ?

Arundhati Virmani : Déjà dans les années 1980, devant un public d’économistes, l’historien marxiste Eric Hobsbawm [1917-2012] constatait leurs divergences : les historiens, disait-il, ne comprennent plus le langage des économistes. Car ces derniers construisent des modèles, pas des récits. Or, depuis le tournant de la mathématisation de l’économie, au XXe siècle, ils sont devenus encore moins accessibles. Ils mettent le social en équation, une approche qui n’est pas familière aux historiens. Ces derniers travaillent de façon empirique, en s’appuyant sur des sources très diverses (y compris des journaux intimes, des archives personnelles, etc.), difficiles à intégrer dans des formules mathématiques.

Alain Trannoy : Les objectifs des deux disciplines sont très différents. Le but de l’historien, c’est de créer un récit qui retrace le passé, en lui conférant une intelligibilité, à partir de sources de toute nature et sans négliger aucun détail, avec la sérénité que lui donne la distance temporelle. Le but de l’économiste est tout autre : même lorsqu’il s’intéresse à des périodes historiques, la première chose qu’il fait, c’est poser une question. Il essaie de comprendre une articulation, il teste des relations causales. L’économie cherche donc à « monter en généralité », à mettre en série les événements dans le temps ou dans l’espace, à les rapprocher pour dégager des relations de causalité.

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