L’usine Synthexim de Calais a fermé ses portes fin mai. Mais des produits toxiques sont toujours stockés sur place. Les riverains craignent un accident industriel.
Francis Jeanjean habite dans sa maison, à Calais, depuis 25 ans. Il vit à 50 mètres de l’usine Synthexim, un site de production pour l’industrie pharmaceutique, aujourd’hui désaffectée. Ce riverain explique ressentir “une insécurité totale” et nous emmène devant la grille de l’usine. Il nous montre un large trou dans le grillage : “c’est plus sécurisé du tout ici, vous pouvez passer aisément”.
Ce site a cessé son activité en mai dernier; il a été placé en liquidation judiciaire. L’usine est classée Seveso. En d’autres termes, elle contient des substances particulièrement toxiques. Et ces substances n’ont pas encore été évacuées.
Pour Francis Jeanjean, la situation n’est pas tenable : il a peur d’un accident.
J’ai l’impression d’habiter à côté d’une poudrière, parce que c’est quand même des produits dangereux, et qui sont nocifs pour la santé. Il faut faire quelque chose, mais urgemment !
Francis Jeanjean, riverain de l’usine SyntheximA l’Oeil du 20h
Nous nous sommes procurés des photos de l’intérieur de l’usine, prises au mois de mai. On y voit des conteneurs de déchets industriels entassés les uns sur les autres… certains largement éventrés.
L’usine utilisait des produits potentiellement dangereux, notamment du chlorure de thionyle ou encore du cyanure de sodium.
Deux incidents ont déjà eu lieu
Depuis la fermeture du site, plusieurs incidents ont déjà eu lieu. Dans la nuit du 2 au 3 août, après des intempéries, au contact de l’eau, un dégagement de fumée toxique s’est échappé d’un fût. Deux vigiles ont été hospitalisés pour des examens. 15 jours plus tard, nouvelle intervention des pompiers : cette fois, en raison d’une fuite de résidus d’acide.
Une situation dénoncée par deux anciens salariés, licenciés lors de la fermeture de l’usine. Selon eux, le départ s’est fait à la hâte. Ils affirment que le protocole de nettoyage n’aurait pas été respecté, faute de temps. L’un des anciens salariés nous raconte avoir “dû produire jusqu’au bout”. Il ajoute : “Normalement il y a une procédure, les appareils auraient dû être lavés avec du solvant, et ensuite dégazés : on porte à ébullition pour nettoyer la verrerie et les tuyaux. Rien de cela n’a été fait.”
D’après eux, il y avait cet été 3 000 conteneurs encore présents sur le site…. certains dans un état déplorable. Le deuxième ex-salarié explique qu’ “il y a un problème de protection de tous ces solvants inflammables parce qu’ils ne sont pas dans des conteneurs hermétiques”. Et prévient :
C’est presque inouï qu’il n’y ait rien eu de grave sur ce site.
Un ancien salarié de l’usine Synthexim
Des craintes partagées par les services de l’Etat, qui s’inquiètent d’un potentiel départ de feu, comme on peut le lire sur un rapport de la DREAL, la direction régionale de l’environnement, daté du mois dernier :
“Le risque incendie reste le risque majeur sur le site compte tenu de la présence en quantité importante de déchets, produits et matières premières présentant un risque inflammable”.
De son côté, David Simonnet, le PDG du groupe Axyntis qui était propriétaire de l’usine, nous assure que le nettoyage a été fait dans les règles. Mais il reconnaît qu’il faut un certain délai pour vider l’usine de ses produits. Il assure : “dans toute société qui malheureusement part en liquidation, vous avez des stockages de matière qui nécessitent du temps pour être évacuées, à fortiori quand ce sont des matières dangereuses”.
Selon la préfecture, l’entreprise n’a pas les moyens de financer le chantier de mise en sécurité. Les services de l’Etat vont donc devoir mettre la main à la poche en complément des assurances… et nous affirment que tout sera fait au plus vite pour sécuriser le site.
Parmi nos sources :
Les rapports de la DREAL sur l’usine Synthexim
Rapport de l’organisation internationale du travail sur le chlorure de thionyle
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