Le président ghanéen John Dramani Mahama, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’organisation à New York, le 25 septembre 2025.

Des ressortissants ouest-africains expulsés par les Etats-Unis vers le Ghana se retrouvent livrés à eux-mêmes au Togo, où ils sont arrivés sans papiers d’identité, ont rapporté à l’Agence France-Presse (AFP) deux des expulsés et leur avocate. Ces départs forcés vers le continent africain constituent le dernier épisode en date du vaste programme d’expulsions mis en œuvre sous la présidence de Donald Trump.

La situation de ces ressortissants a été révélée le 10 septembre, lorsque le président ghanéen, John Dramani Mahama, a annoncé l’accord conclu avec Washington pour accueillir des expulsés originaires de la région. Depuis, huit à dix ressortissants d’Afrique de l’Ouest ont été transférés de force par le Ghana vers le Togo, sans passer par un poste-frontière, et ont été abandonnés sans passeports.

« La situation est terrible », a déclaré à l’AFP Benjamin, un ressortissant nigérian, qui utilise ce pseudonyme pour protéger son identité. Il dit être hébergé dans une chambre d’hôtel avec trois autres personnes expulsées, partageant un seul lit et vivant de l’argent envoyé par leurs familles restées aux Etats-Unis.

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Un juge a pourtant statué, en juin, qu’il ne pouvait pas être expulsé vers le Nigeria, estimant qu’il y risquait sa vie en raison de ses activités politiques passées, explique Benjamin, qui s’attendait alors à être libéré pour rejoindre sa femme et ses enfants, citoyens américains.

Selon lui, des agents de l’agence américaine de l’immigration et des douanes (ICE) l’ont roué de coups après qu’il a refusé d’embarquer à bord d’un avion militaire pour une destination inconnue, qui s’est révélée être le Ghana. Contactée, l’ICE n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP dans l’immédiat.

Faille juridique

Jusqu’à 28 personnes sont arrivées au Ghana à ce jour. Les autorités ghanéennes ont annoncé l’arrivée d’un premier groupe de 14 expulsés début septembre. Selon l’avocate américaine Meredyth Yoon, un second avion pouvant transporter jusqu’à 14 personnes a atterri depuis, mais le nombre de passagers à bord reste incertain.

Selon des avocats, les 14 premiers expulsés ont bénéficié de décisions de tribunaux américains interdisant tout renvoi dans leurs pays d’origine, en raison de risques de persécutions. Mais Washington les a envoyés au Ghana via une faille juridique, a expliqué Mme Yoon à l’AFP, Accra ayant, de son côté, clairement indiqué que les personnes seraient renvoyées vers leurs pays d’origine.

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L’un d’eux, un Gambien bisexuel, a été renvoyé dans son pays par les autorités ghanéennes. Il vit aujourd’hui caché, les relations homosexuelles étant criminalisées dans ce pays conservateur, selon des documents judiciaires. Deux ressortissants togolais ont été expulsés à la frontière togolaise aux côtés de Benjamin. « Ils pleuraient, répétaient “c’est fini, c’est fini” », a-t-il confié, ajoutant qu’ils se sont cachés depuis.

« Nous vivons dans la clandestinité »

Benjamin et un autre expulsé, Emmanuel (il s’agit d’un pseudonyme), un ressortissant libérien, affirment avoir passé plus de deux semaines sous surveillance militaire au camp de Dema, dans la ville de Bundase, à 70 kilomètres d’Accra, en compagnie de neuf autres expulsés, souffrant de la chaleur, de piqûres de moustiques et d’un accès limité à l’eau potable.

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Selon leurs témoignages, ils ont été ensuite conduits jusqu’au poste frontière d’Aflao, près de Lomé, la capitale togolaise, puis, avec la coopération des autorités togolaises, transférés de l’autre côté de la frontière, en dehors de toute procédure officielle. « Nous vivons dans la clandestinité, car nous n’avons aucun document d’identité », a confié Emmanuel.

Ce dernier a fui la première guerre civile du Liberia, dans les années 1990, et obtenu l’asile aux Etats-Unis. Emmanuel et Benjamin étaient tous deux titulaires d’une carte de résident permanent (green card) et mariés à des citoyennes américaines. Ils ont été placés en détention par l’ICE après avoir purgé des peines de prison pour des condamnations distinctes, liées à des fraudes. Emmanuel contestait son expulsion devant les tribunaux américains au moment où il a été renvoyé, selon son avocate Mme Yoon.

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Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a appelé le Ghana à cesser les expulsions vers le Nigeria, la Gambie, le Togo, le Mali, le Liberia ou tout autre pays tiers « lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que les personnes pourraient y être soumises à la torture ». Interrogé par l’AFP, le département d’Etat américain a indiqué qu’il « continuerait à utiliser tous les moyens appropriés pour renvoyer les étrangers qui ne devraient pas se trouver sur le sol américain ». Les gouvernements togolais et ghanéen ne se sont pas encore exprimés sur cette affaire.

Le Monde avec AFP

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